C’est dans un climat tendu que s’est tenue l’assemblée générale mixte d’Altamir (FR0000053837) ce 15 avril 2016. En effet, les questions posées par Moneta (deuxième actionnaire d’Altamir) et l’ADAM (l’Association de défense des actionnaires minoritaires) ont donné lieu à de vives discordances avec le gérant Maurice Tchénio.

Les tensions se sont d’ailleurs ressenties dans les votes : tel que le recommandait Proxinvest deux résolutions ont été rejetées et le say on pay sur la rémunération de Maurice Tchénio, bien qu’approuvé,  a été vivement contesté pour la deuxième année consécutive.

  • La première résolution à avoir été rejetée concerne les conventions règlementées (résolution 4).

En effet, elle n’a été soutenue qu’à hauteur de 28,75%, l’actionnaire de référence, intéréssé aux conventions, veillant à ne pas participer au vote conformément au code de Commerce. Proxinvest s’était opposé à cette résolution pour les raisons suivantes : Proxinvest considérait que les mandataires sociaux et les responsables de l’audit avaient fait une interprétation très restrictive de l’article L 225-38 du Code de commerce. En effet, le rapport spécial des commissaires aux comptes ne mentionne que les conventions de rachat d’actions B avec Altamir Gérance (Maurice Tchénio) et Monique Cohen, ainsi que le contrat général de conseil en investissement signé avec Apax Partners dont la rémunération a été de 7 995 594 € sur l’exercice 2015Or, Maurice Tchenio est aussi dirigeant et actionnaire principal d’APAX Partners et les flux indirects qu’il pourrait bénéficier d’APAX intéressent alors les actionnaires minoritaires d’Altamir, notamment sa quote part sur ce contrat.

Les conventions de rachat d’actions B à Maurice Tchénio (3 590 unités pour 38 900 €) et Monique Cohen (263 unités pour 2 630 €) ne semblaient pas réellement justifiées par l’intérêt social, en effet ces rachats d’actions de préférence engageaient les fonds d’Altamir sans aucune contrepartie pour la société et, indissociablement, les actionnaires minoritaires (cf. le rejet de leur annulation en résolution 13 ci-dessous). 

Proxinvest notait par ailleurs qu’une convention rejetée par l’Assemblée Générale au printemps 2013 n’est plus mise en œuvre mais que depuis le 9 juillet 2013 un nouveau contrat de 659 980 € (pour l’exercice 2015) visant à la prestation de services couvrant la tenue de la comptabilité de la société, la gestion comptable du portefeuille, la direction financière et les relations actionnaires et investisseurs, s’est substitué aux contrats antérieurs pour des services équivalents mais non soumis in fine à la procédure des conventions réglementées car considéré comme une convention conclue aux conditions normales et courantes. On pouvait donc se demander si ces prestations de tenue comptable et de relations investisseurs ne faisaient tout simplement pas partie de la fonction de la gérance qui perçoit une rémunération de 423 847€. Il ne peut pas être acceptable pour la place de Paris qu’un actionnaire de contrôle bénéficie ainsi d’une convention sans la soumettre à la procédure des conventions réglementées. L’assemblée générale doit rester souveraine et ses décisions respectées. 

Proxinvest contestait donc les modalités de rémunération d’APAX, le manque d’information des commissaires aux comptes sur les flux indirects entre APAX et Maurice Tchénio ainsi que la poursuite d’un contrat de service sous une nouvelle forme de convention courante alors qu’une convention de même type avait été rejetée par l’assemblée générale en 2013. 

 

  • La seconde résolution rejetée concerne l’autorisation de réduction du capital corrélative au rachat d’actions de préférence dites « actions B » et la modification corrélative des statuts.

L’opération portait sur 121 640 € en nominal, avec l’annulation de 12 164 actions B. Elle n’a été soutenue qu’à hauteur de 58,17%, et n’atteint donc pas les 2/3 d’approbation requis. Proxinvest s’était opposé à cette résolution. En effet, selon Proxinvest, le rachat des actions B et leur annulation ne changeait rien à la quote part du résultat retraité attribuable aux titulaires. Les porteurs d’actions B pouvaient se prévaloir de 18 % de ce résultat (carried interest). Même si les actions B auto-détenues sont annulées, ces 18 % se répartissent toujours entre les porteurs d’actions B restant à hauteur de leur pourcentage de détention. Autrement dit, qu’elles soient annulées ou non, les actions rachetées et auto-détenues par la société ne peuvent pas bénéficier du dividende qui leur est attaché.
Les rachats d’actions B intervenus en 2015 ne semblent pas réellement justifiés par l’intérêt social, de ce fait, leur annulation non plus. Ce rachat d’actions de préférence a engagé les fonds d’Altamir sans aucune contrepartie pour la société et, indissociablement, les actionnaires minoritaires (pas de réduction de la rémunération globale à verser aux gérants d’APAX porteurs d’actions B). La Société a justifié ces opérations par la nécessité de répartir plus équitablement le dividende des actions B entre les associés d’Apax, cependant cette répartition aurait pu se faire par de simples transactions entre ces mêmes personnes et ainsi les fonds d’Altamir n’auraient pas été engagés et le résultat final recherché aurait été même.
Proxinvest estimait donc que toutes ces opérations n’étaient pas motivées par l’intérêt social.

 

  • Bien qu’approuvé, le say on pay sur la rémunération de Maurice Tchénio a été vivement contesté puisqu’il n’a recueilli que 56,36% d’approbation.

Nous notons que cette contestation intervient pour la deuxième année consécutive, en effet, en 2015 le taux d’approbation était de 56%. Cela sera sûrement un des taux les plus bas de la saison.

Notons que l’approbation de la rémunération de Maurice Tchénio est très probablement due au vote d’Amboise SNC, holding détenue par ce dernier. Retraitée du vote favorable de l’actionnaire de contrôle, la contestation des minoritaires sur cette rémunération s’apparente à une vraie révolte.

Au-delà du manque de transparence dans la rémunération de Maurice Tchénio, Proxinvest contestait surtout les modalités statutaires de calcul du dividende des porteurs d’actions B, dont Maurice Tchenio (via Altamir Gérance) touche 11,14% depuis la réalisation des programmes de rachat de 2015. Ce montant s’assimile à du carried interest tel que pratiqué dans le monde du Private Equity mais ne soit  pas appliquer de condition minimale de rendement annuel avant d’être déclenché (hurdle rate). Sans une condition de rendement annuel minimum de 7% ou 8%, il n’était pas tolérable de voir le gérant d’Altamir et les autres gérants d’APAX Partners prélever 20% du résultat et ceci s’apparentait alors à une rente indue prélevée sur le dos des associés commanditaires actionnaires minoritaires d’Altamir. 

Malgré la contestation de Proxinvest de certains points, Maurice Tchénio avait fait l’honneur de répondre à Proxinvest et de s’expliquer il y a quelques jours. Il devra avec le conseil de surveillance s’attaquer à la refonte des règles statutaires de rémunération des actions B pour rendre plus belle Altamir auprès des investisseurs.

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