Ce 1er mai 2019 se tient à Londres l’assemblée générale de TechnipFMC. Un jour de fête pour Thierry Pilenko qui quitte TechnipFMC, peu après sa fusion, dans des conditions financières de départ plus que généreuses (16,1M€)…

Une piqûre de rappel bienvenue sur les bienfaits du Say On Pay « à la française »

Le 21 mars 2019, Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, a jugé d' »inacceptable » les conditions de départ du Président de TechnipFMC, Thierry Pilenko. Avec une perte nette avoisinant les 2 milliards d’euros en 2018 et un cours de bourse qui a fondu depuis le rapprochement, l’ex-PDG de Technip part avec plusieurs indemnités et le maintien d’actions gratuites qu’il aurait du perdre, un total de 16,1M€ selon Proxinvest.

L’Etat, via Bpifrance, est actionnaire de TechnipFMC, à hauteur de 5,5%. Interrogé par Jean Leymarie sur France Info, le directeur général de la banque publique d’investissement, Nicolas Dufourcq, rebondissait le lendemain : 

« On ne laisse pas faire ! On a voté contre en assemblée générale. (…) A son salaire, extraordinairement élevé, s’ajoute son package de départ. Et c’est là que malheureusement, on passe les bornes. Quand on est aussi bien payé, on n’a pas besoin d’un package de départ. (…) Je pense qu’il ne devrait pas y avoir de parachute doré pour les grands chefs d’entreprise. ».  

Malgré son désaccord, l’Etat actionnaire reste cependant impuissant : 

« Que voulez-vous qu’on fasse ? », a interrogé Nicolas Dufourcq. « Cette entreprise est de droit anglais, elle est cotée aux Etats-Unis et rien n’est illégal. La seule magistrature que nous ayons est une magistrature d’influence… » 

Nicolas Dufourcq a raison de le rappeler. TechnipFMC Plc est en effet de droit anglais et cotée aux Etats-Unis. Contrairement au système français introduit par la Loi Sapin 2, le vote de l’assemblée générale du 1er mai est donc seulement consultatif selon la Section 14(a) du US Securities Exchange Act de 1934 amendé et ni le conseil ni le Comité des Rémunérations n’est tenu de prendre en compte le résultat du vote.

Dans le contexte de transposition de la Directive Droit des Actionnaires II, il pourrait être tentant de s’aligner sur les pays offrant moins de droits de contrôle aux actionnaires. Il est au contraire primordial que le système législatif français maintienne ses avantages et rassure les investisseurs en leur offrant un vote contraignant lors de l’assemblée générale des actionnaires sur la rémunération des dirigeants et sur tout avantage postérieur à l’emploi.

16,1M€ de PACKAGE DE DEPART POUR THIERRY PILENKO…

M. Pilenko a conclu une convention avec la société portant sur ses indemnités en cas de départ :

 – Indemnité en contrepartie d’un engagement de renoncer à toute poursuite d’un montant égal à 12 mois de fixe + bonus cible, soit 1 980 000€.

 – Indemnité de non-concurrence de 12 mois de fixe + bonus cible, soit 1 980 000€.

Proxinvest ne peut pas accepter la scandaleuse ’indemnité versée en contrepartie d’un engagement de renoncer à toute poursuite, puisque si la société n’a rien à se reprocher, il n’est pas nécessaire qu’elle fasse signer un tel engagement à son Président Exécutif, et encore moins qu’elle lui verse 1,98 M€ au titre dudit engagement. De la même façon, verser une clause de non-concurrence à un dirigeant partant à la retraite n’a pas de sens (et n’est plus permis depuis 2018 par le Code AFEP/MEDEF, suite au scandale Carrefour). Selon Proxinvest, le dirigeant n’aurait donc pas dû toucher quelle qu’indemnité que ce soit.

Par ailleurs, la société a bien veillé à ne pas procéder à des attributions d’actions ou d’options en 2018 au bénéfice de M. Pilenko, ce qui est appréciable, mais le conseil d’administration lui a maintenu dans leur intégralité le bénéfice des options et actions gratuites précédemment attribuées (plans de 2015, 2016 et 2017 (les plans d’options de 2012 et 2013 n’ayant pas été pris en compte en raison d’un prix d’exercice élevé rendant, au regard du cours actuel, l’exercice de ces options fort peu probable)). Selon Proxinvest, au 31 décembre 2018, les instruments attribués au titre de ces plans ont une valorisation totale de 10,24 M€. La société n’a pas pris la peine de proratiser ces instruments, ce qui ne respecte pas les principes de Proxinvest.

Ainsi, le package de départ de M. Pilenko, indemnité de compensation de retraite chapeau comprise, s’élève à plus de 16,1 M€.

… scandaleux au regard du contexte social et financier

Attribuer une telle somme à un dirigeant en situation d’échec est totalement contraire à la bonne gouvernance et aux règles en place en France. Quant à l’échec du dirigeant, on entend par là les pertes nettes de 1,7 Mds$ enregistrées par le groupe en 2018, mais également la baisse de 16% du chiffre d’affaires, mais également la disparition d’environ un tiers de la capitalisation boursière depuis la fusion.

Il est entendu que les rémunérations excessives créent un risque en terme de cohésion sociale. Cela est encore plus flagrant dans le cas de rémunérations excessives alors que le groupe est en situation d’échec. Chez TechnipFMC, la cohésion sociale est déjà mise à mal au regard du contexte social (démissions, burn-out, suicides : http://www.lefigaro.fr/societes/2018/08/05/20005-20180805ARTFIG00153-technip-somme-de-remedier-au-mal-etre-de-ses-salaries.php).

Le parachute doré de M. Pilenko semble complètement décorrelé de la situation de la société et de ses employés et n’est socialement pas acceptable. La CFDT de Technip demande à Thierry Pilenko de renoncer à 4M€. Face à l’indécence du contexte et des montants, cette demande d’abandon partiel du parachute doré est entièrement légitime.

Des pratiques américaines de rémunération non conformes au code AFEP-MEDEF

Tous les dirigeants se sont vus attribuer des actions gratuites (RSU), des actions de performance (PSU) et des options, à l’exception de M. Pilenko qui n’a rien reçu en raison de son départ annoncé. Parmi tous ces instruments, seules les actions de performance sont assorties de conditions de performance (environ 60% des instruments attribués). Ainsi, la société continue d’attribuer des instruments de rémunérations sans condition de performance, une pratique non autorisée par le Code Afep/Medef. mais très courante aux Etats-Unis. Ainsi, là encore, il semblerait que ce soient les pratiques américaines qui l’ont emporté sur les pratiques européennes ou françaises.

La valorisation de ces différents plans d’actions et stock-options pour Douglas Pferdehirt est de 9 705 207 $, soit 8 452 945 €

Notons qu’en sus de ses rémunérations au titre de 2018, M. Pilenko, Président Exécutif, s’est également vu attribuer 1 950 000 € au titre de compensation de sa retraite à prestations définies de Technip.

UN ALIGNEMENT AVEC LA PERFORMANCE DÉSASTREUX

Le bonus annuel repose sur plusieurs critères de performance dont les suivants :

– EBITDA (pour 25%), dont l’objectif à atteindre était de 1 450 M$ (avec un maximum de 1 711 M$) .
L’EBITDA a atteint 1 653 M$, et a donc dépassé l’objectif cible, ; le taux d’atteinte est de 178% selon la société, ce qui est beaucoup trop généreux puisqu’en 2017 l’EBITDA était de 2 031 M$. Notons que le seuil de déclenchement (1 135 M$) semble particulièrement bas.

– Marge d’EBITDA (pour 25%), dont l’objectif à atteindre était de 11,9% avec un maximum de 14%.
La marge d’EBITDA a atteint 13,2% en 2018, au-dessus de la cible ; le taux d’atteinte est de 162% selon la société, ce qui, là encore semble très généreux puisqu’en 2017 la marge d’EBITDA était de 13,5%. Notons que le seuil de déclenchement (9,5%) semble particulièrement bas.

Le conseil d’administration verse des bonus très élevés grâce à la fixation d’objectifs minimum (seuils de déclenchent) ridiculement bas rendant ainsi ces critères de performance très peu exigeants. La société devrait, a minima, fixer des seuils minimum dépassant les résultats atteints l’année précédente. On notera également un problème dans le choix des critères ; en effet, la société utilise comme indicateur l’EBITDA alors qu’elle présente souvent des charges exceptionnelles, qui, de fait, ne sont jamais prises en compte dans cet indicateur

Ainsi, de façon globale, le taux d’atteinte est de 123% (1 531 811,25 $ pour M. Pfredehirt), ce qui semble totalement décorrélé des résultats effectifs d’un groupe présentant des pertes de près de 2 Mds$ et un cours ayant chuté de près de 32% sur l’exercice 2018.

Concernant les actions de performance, elles reposent sur le ROIC (rendement du capital investi) (50%) et sur le TSR (évolution du cours + dividendes comparée à 14 concurrents) (50%). La période de mesure de la performance de ces critères est de 3 années. Il est inadmissible que 100% des actions soient acquises pour une simple performance égale à la médiane. Il est surtout inadmissible que 75% des actions puissent être acquises pour une performance inférieure à la médiane de l’échantillon de comparaison.

RECOMMANDATION DE VOTE

Les montants de rémunération attribués (11,8 M€ pour M. Pferdehirt) sont absolument excessifs. De plus, le conseil semble très laxiste lors des définitions des grilles d’acquisition des actions de performance puisqu’il permet l’acquisition d’actions en cas de sévère sous-performance de la société par rapport à ses pairs, ce qui n’est absolument pas acceptable.

Les bonus attribués pour l’exercice sont scandaleux dans un contexte de perte nette consolidée et de destruction boursière massive sur l’exercice.

Enfin, le parachute doré de M. Pilenko  (16 ,1 M€, comprenant 2 indemnité de près de 2 M€ chacun, ainsi que le maintien des instruments de rémunération en actions préalablement attribués) est absolument inacceptable au regard du contexte. Attribuer une telle somme à un dirigeant en situation d’échec (pertes de 1,7 Mds$ enregistrées par le groupe en 2018, mais également la baisse de 16% du chiffre d’affaires, mais également la baisse du cours de 61% depuis la fusion) est totalement contraire à la bonne gouvernance et nuit gravement à la cohésion sociale du groupe, déjà lourdement impacté par les démissions, burn-out et suicides.

Au regard des graves faiblesses de la société concernant la définition des grilles d’acquisition des actions de performance, mais aussi des montants excessifs attribués, surtout dans un contexte aussi désastreux pour les actionnaires qui ont été fortement impactés par la situation dans le secteur et par les erreurs comptables rapportées par la société, et pour les salariés, alors qu’en même temps, MM. Pilenko et Pferdehirt voyaient leurs rémunérations exploser depuis la fusion, sans aucune justification, nous recommandons l’opposition.


Les études de Proxinvest sont disponibles sur ses sites clients, sur la plateforme de vote ProxyEdge de Broadridge et en achat à l’unité sur la plateforme de distribution de recherche ResearchPool : https://www.researchpool.com/provider/proxinvest/technipfmc-tec-technipfmc-assemble-gnrale-du-1er-mai-2019

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