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L’ancien hôpital Laennec dans le 7ème arrondissement de Paris, siège social de Kering, recevra les actionnaires de la société pour son assemblée générale ce 24 avril 2019.

Alors que Proxinvest recommande de s’opposer à la rémunération de François-Henri Pinault objet de la résolution 6 , faisant plus que doubler sur l’exercice (+106%), force est de constater que la politique de rémunération pour 2019 s’améliore (résolution 8), permettant au passage de constater que le vote annuel contraignant sur la politique de rémunération introduit par la Loi Sapin 2 peut permettre certaines améliorations, années après années, sans avoir à attendre le délai de quatre ans qui pourrait malheureusement être introduit du fait de la transposition de la Directive Droit des Actionnaires II.

Une rémunération au titre de 2018 inacceptable

La rémunération de François-Henri Pinault, PDG de Kering, au titre de 2018 s’élève à 12 180 986€, plus du double de la moyenne du CAC 40 et du plafond de la rémunération socialement acceptable définie par Proxinvest et sans prend en compte les facturations de la holding familiale Artemis (cf. dernier §).

Elle se décompose d’une rémunération fixe de 1 200 000€, d’une rémunération variable annuelle de 1 944 000€, de « KMU » (Kering Monetary Units) pour 8 953 791€, de jetons de présence pour 66 704€ et d’avantages en nature (voiture de fonction).

Une rémunération variable fixe

Certes les résultats de l’exercice sont excellents (+33% de résultat opérationnel courant, +72% de cash flow libre opérationnel) mais est-ce une raison pour que la rémunération variable annuelle, par définition supposée variable, soit fixe d’une année sur l’autre à 1 944 000€? La communication n’est pas claire puisqu’elle atteint 162% du fixe alors que le document de référence indique un plafond de 150%.

Une attribution exceptionnelle de KMU d’une valeur de 5,8M€ sans condition de performance

Kering a pour habitude d’attribuer un instrument de rémunération pluri-annuel basé sur la valeur du cours de l’action dénommé « KMU ». Proxinvest constate cette année qu’en sus des attributions habituels (3,1M€ en avleur IFRS) s’ajoute une attribution exceptionnelle de 10 000 unités de valeur (« KMU ») au titre de l’exercice 2018, d’une valeur de 5,8M€.

Sans condition de performance et acquise sur très courte période (janvier 2019 et janvier 2020), une attribution d’un tel montant est choquante, contraire à la politique de vote de Proxinvest et probablement contraire au code AFEP-MEDEF qui réclame des conditions de performance.

La justification apportée par la société ne convainc pas :
il s’agirait d’ « une prime exceptionnelle accordée aux dirigeants mandataires sociaux suite à la transformation majeure du Groupe : une fois la sortie du retail achevée, l’objectif est de construire un groupe intégré générant de la valeur au niveau Groupe pour les marques et, une fois la capacité confirmée du Pôle Luxe à générer une croissance organique profitable, concentrer le portefeuille sur des marques de luxe« .  En réalité, François-Henri Pinault a déjà été largement rémunéré ces dernières années pour la mise en oeuvre de cette stratégie et les actionnaires auront l’impression de passer deux fois à la caisse.

Le conseil de Kering a ces dernières années beaucoup trop pris l’habitude d’attribuer des rémunérations exceptionnelles à ses dirigeants. Depuis la Loi Sapin 2, l’assemblée générale peut rejeter le versement des rémunérations exceptionnelles et il convient de conserver ce droit des actionnaires dans le cadre de la transposition de la Directive Droits des Actionnaires II, toutefois Kering est une société contrôlée par la holding familiale Artémis ce qui rend tout rejet inenvisageable tant que les intéressés participent au vote.

Fort heureusement, Proxinvest constate que le vote annuel contraignant sur la politique de rémunération (résolution 8) permet de constater qu’il n’y aura désormais plus de rémunération exceptionnelle dans la nouvelle politique de rémunération pour 2019. 
Alors que le législateur devra arbitrer le débat sur une éventuelle modification légale de la fréquence nécessaire du vote de l’assemblée générale sur la politique de rémunération, (transposition de la directive Droits des Actionnaires II), force est de constater dans le cas de Kering qu’il eut été fâcheux pour les actionnaires minoritaires d’attendre quatre ans avant de pouvoir se prononcer de nouveau sur le sujet des rémunérations exceptionnelles et qu’un vote annuel sur les politiques de rémunération est préférable.

Des conditions de performance contestables mais réformées

Pour la partie des KMU conditionnée à la performance (3,1M€ en valeur IFRS), les conditions de performance reposent sur trois années, ce qui respecte la politique de vote de Proxinvest. Cependant, l’exigence attachée aux conditions de performance semble, si ce n’est inexistant, tout à fait relative. 

En effet, depuis 2017, elle se base sur trois critères non pas cumulatifs, mais bel et bien alternatifs : le résultat opérationnel courant, le cash-flow libre opérationnel ou le taux de marge opérationnelle courante. 

Une simple progression (constatée entre la moyenne des niveaux observés sur la période d’acquisition de 3 ans et le niveau affiché dans les comptes consolidés de Kering pour l’exercice précédent l’année d’attribution) de l’un de ces critères suffit à déclencher la monétisation de la totalité de l’enveloppe de KMU attribuée. 

En procédant de la sorte, ce n’est ni plus ni moins qu’un système de « rattrapage » qui se trouve instauré par la société : en l’absence de progression de l’un des critères précités, elle dispose de la possibilité de se tourner vers l’un des deux critères restant afin de constater qu’une progression a été enregistrée. Ce mode de fonctionnement facilite donc grandement l’attribution de la part variable pluriannuelle de la rémunération du Président-Directeur Général. 

Au-delà même du fait que le mode alternatif de ces critères ne permette pas une mesure adéquate et suffisamment exigeante de la performance, il permet l’attribution de la totalité des unités de valeurs dès lors qu’une progression est enregistrée par la société sur l’un seulement des trois critères retenus. Or, Proxinvest estime que la seule condition d’une progression est tout à fait insuffisante car elle paralyse une juste mesure de la performance. Cela est d’autant plus regrettable que le montant des KMUs attribués passe de 2 607 279 € à 3 143 791 € (soit +20%) ce qui apparaît généreux.

Heureusement le vote annuel contraignant sur la politique de rémunération (résolution 8) permet de mettre fin à cette anomalie . 
En effet, le 11 février 2019, sur proposition du Comité des rémunérations, le Conseil d’administration a décidé de rendre plus exigeantes les conditions d’acquisition des KMUs en appliquant désormais les trois indicateurs de façon cumulative et progressive. À compter de l’exercice 2019, la réalisation des critères de performance s’appliquera ainsi : 
– réalisation des trois critères  : acquisition de 100 % des droits  ; 
-réalisation de deux critères sur trois : acquisition de 75 %des droits  ; 
-réalisation de un critère sur trois  : acquisition de 50 % des droits  ; 
-aucun critère atteint : perte des droits. 

Proxinvestest satisfait de voir que le conseil de Kering a pris en considération ses critiques passées. Cette évolution est positive et il est de l’intérêt des actionnaires d’accepter le nouvelle politique de rémunération plutôt que de conserver l’ancienne. Proxinvest recommande un vote favorable à la résolution 8.

Une augmentation des facturations d’Artemis qui pose problème

Proxinvest note qu’au sein du rapport spécial des commissaires aux comptes sur les conventions et engagements réglementés, une convention d’assistance au titre de prestations a été conclue avec la société Artémis, actionnaire de contrôle à hauteur de 40,90% du capital et 57,75% des droits de vote, et holding détenue en totalité par la Société Financière Pinault, elle-même contrôlée par la famille Pinault. Chaque année depuis 1993, la holding Artémis facture des services à Kering. Depuis 1999 ce prélèvement représente 0,037% du chiffre d’affaires du Groupe, hors Puma. Il apparaît difficile de justifier la réalité des services rendus lorsque le pourcentage de prélèvement est prédéfini chaque année à 0,037% du chiffre d’affaires quel que soit le volume desdits services et ceci ressemble dans la forme beaucoup plus à une rente au profit d’Artemis. 

La société se contente d’indiquer que la société Artémis met à disposition et réalise pour le compte de Kering SA des missions d’étude et de conseil portant sur la stratégie et le développement du Groupe Kering et l’appui dans la réalisation d’opérations complexes de nature juridique, fiscale, financière ou immobilière, ainsi que la fourniture d’opportunités de développement d’affaires en France et à l’étranger ou de facteurs de réduction des coûts. 

Au regard des informations fournies, la rémunération versée à Artemis peut s’analyser comme une forme de rémunération indirecte pour son propriétaire, soit 5 056 124€ au titre de l’exercice 2018 en sus de la rémunération de 12M€ présentée en introduction. Le coût de cette convention réglementée augmente de 1 152 000 € (+29%) par rapport à l’exercice 2017, année durant laquelle il avait également augmenté de 690 000 €, et ce sans nouveau vote de la part de l’assemblée des actionnaires organisé via la procédure des conventions réglementées. En effet, contrairement à son concurrent LVMH qui divise par deux cette année le montant facturé et propose chaque année le vote du rapport spécial sur les conventions réglementées, Kering a cessé de respecter cette obligation à partir de l’AG 2018 et essaie depuis d’échapper aux critiques dont cette convention pourrait faire l’objet en ne soumettant une résolution que lorsque des conventions sont nouvellement conclues, sachant pertinemment qu’aucune convention nouvelle n’a été conclue au cours de l’exercice 2018 mais que les conventions dont l’exécution perdure sont importantes. 

Les recommandations de vote de Proxinvest sur l’assemblée générale de Kering du 24 avril 2019 sont disponibles en achat à l’unité sur la plateforme de recherche Researchpool (
https://www.researchpool.com/provider/proxinvest/kering-pp-kering-assemble-gnrale-des-actionnaires-du-24-avril-2019 ) ou par abonnement auprès de Proxinvest sur ses sites clients http://www.europroxy.com et http://clients.proxinvest.com .

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