Les indices boursiers français d’Euronext se caractérisent étrangement par la présence en leur sein de sociétés étrangères, dont la société luxembourgeoise SES ( SESG   LU0088087324 ), leader mondial des satellites, présent dans l’antichambre du CAC 40, les indices CAC Next 20 et SBF 120.

Proxinvest souhaite que la société luxembourgeoise SES soit exclue des indices boursiers majeurs de la place de Paris pour la simple raison du non-respect de principes élémentaires de gouvernance attendus en France.

Rémunérations occultes et absence de vote de l’assemblée générale des actionnaires

Depuis la Loi NRE de 2001 les actionnaires des sociétés françaises sont informées de la rémunération individuelle des mandataires sociaux dirigeants. Tel n’est pas le cas chez SES dont le conseil se contente d’indiquer une rémunération globale pour l’ensemble du comité exécutif. Impossible donc de connaître la rémunération de Steve Collar, nouveau Président de la direction.

Dans de telles circonstances en France, les actionnaires n’hésiteraient pas exercer leur droit de vote pour contester la politique de rémunération ou la rémunération effective des dirigeants puisque ces rémunérations doivent désormais être approuvées par l’assemblée générale depuis la Loi Sapin 2 de 2016. Au contraire, SES ne propose aucun vote sur la rémunération des dirigeants dans son ordre du jour.

4,4 millions d’euros auront été versés en 2018 à deux membres partants du Comité exécutif, probablement l’ancien Président, Karim Michel Sabbagh, et son directeur financier, Padraig McCarthy, sans que les actionnaires n’aient jamais pu voter pour autoriser de tels parachutes dorés alors même qu’ils auront vu 50% de la valeur de leur patrimoine en actions SES s’effacer sur la période (avril 2014- T1 2018). Il sera intéressant d’observer sur ces points d’observer comment le législateur luxembourgeois transposera la Directive Droits des Actionnaires II (« SRD II ») d’ici la date limite de juin 2019, lui qui a plutôt tentation à tendre vers le moins-disant actionnarial.

Une structure capitalistique complexe et anti-démocratique

Deux classes d’actions A et B sont en place, les actions B étant intégralement détenues par l’Etat Luxembourgeois et deux banques détenues par l’Etat Luxembourgeois.

Sur Euronext Paris ou sur la bourse de Luxembourg, les investisseurs n’achètent pas vraiment des actions mais des FDR (Fiduciary Depositary Receipts »), convertibles le cas échéant en actions A, mais la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat luxembourgeois (« the fiduciary ») exerce tous les droits de vote non exercés par les porteurs de FDR dans un sens favorable aux propositions du conseil d’administration, un véritable auto-contrôle et une forme de spoliation du droit de vote des actionnaires :

« Unless the fiduciary has received specific instructions from the FDR holder, the fiduciary will vote in favour of the proposals submitted by the Board. »

Source : Chairman’s report on corporate governance and internal control procedures, page 2.

S’ajoutent à cela des dispositifs anti-OPA puissants protégeant le management et limitant la liberté du capital comme :

  • le droit d’acquérir ses propres actions, sans autorisation de l’assemblée générale, en cas de « dommage grave et imminent »
  • La limitation d’acquisition du capital à 20% (sauf accord de l’assemblée générale et avec un droit de veto de l’Etat luxembourgeois).

Des pratiques de gouvernance contestables

Actionnaires de SES, n’espérez pas non plus les pratiques habituelles que vous retrouvez dans les sociétés françaises, par exemple :

  • pas d’indication du nombre d’actions détenues par chaque administrateur
  • Pas de vote sur les conventions réglementées (contrats avec des parties liées directement ou indirectement intéressées).
  • Pas de vote sur l’autorisation des plans de rémunération en actions ou stock-options des dirigeants
  • Diversité limitée au conseil d’administration (seulement 29% de femmes, le statut luxembourgeois permettant d’échapper au quota de 40% obligatoire en France; pas d’administrateur représentant les salariés).

Le Président, les actionnaires et Euronext doivent se réveiller

La gouvernance et les dispositions protectionnistes de SES nécessitent un sérieux toilettage sur lequel Romain Bausch, Président du conseil et ancien Président de la direction de 1995 à 2014, devrait se pencher au plus vite. Euronext doit aussi traiter sérieusement de l’inclusion dans ses indices parisiens de sociétés aux pratiques de gouvernance pouvant nuire à l’image de la place de Paris.

Recommandations de vote : à court terme Proxinvest recommande aux actionnaires de SES de ne pas voter la décharge, de s’opposer aux renouvellements du mandat de M. Tesch et de Mme Thoma, Directrice Générale de la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat (BCEE) qui exerce les droits de vote non exercés par les actionnaires titulaires de FDR. Proxinvest recommande aussi de refuser l’autorisation de rachat d’actions, possible en période d’offre publique, ainsi que les nouvelles modalités d’attribution des jetons de présence, d’un montant beaucoup trop élevé par rapport aux pratiques des sociétés cotées françaises.

Avec une notation de 38/100 au Proxinvest Corporate Governance Rating, SES figure parmi les 5% des sociétés les plus mal notées par Proxinvest en Europe.

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