En pleine année de crise, la question des rémunérations abusives creuse encore l’écart cette année entre l’entreprise et l’opinion. Les recommandations de modération et d’auto-régulation du patronat n’ont pas mis fin aux affaires, justifiant les pressions de l’Etat, successivement, en janvier 2009 contre les bonus chez les banques aidées, en mars contre les options des dirigeants de la Société Générale et enfin contre l’indemnité de départ de Thierry Morin, ancien PDG de Valeo. Il eut été préférable de renforcer le pouvoir de contrôle des actionnaires qui nous semble seul en mesure de mettre légitimement fin aux dérives observées.

Sur l’exercice 2008, la baisse des rémunérations totales des dirigeants, options et actions gratuites comprises, est nette et généralisée. Une baisse de 20% à échantillon constant est observée pour les présidents exécutifs du CAC 40 (-18% pour les présidents exécutifs du SBF 120), après -17% en 2007. Cette baisse globale de rémunération s’observe parallèlement sur l’ensemble des équipes dirigeantes du SBF 120 (- 15% sur un échantillon de 949 dirigeants).

C’est sans surprise la part actionnariale, c’est-à-dire de moindres dotations d’options et d’actions gratuites, qui explique l’essentiel de cette baisse. La part salariale fixe, variable et accessoire dans le total perçu par les présidents exécutifs se renforce donc (de 55% à 60% pour le CAC 40, de 57 % à 70% pour le SBF 120 à échantillon constant), malgré la forte baisse des bonus de 26% en 2008. On se situe désormais pour les présidents exécutifs du SBF 120 près d’une formule 30-35-35, soit environ 30% de fixe, 35% de bonus et 35% d’incitation actionnariale à long terme, soit un niveau de rémunération variable qui semble encore élevé pour une période exceptionnelle.

En valeur absolue, les présidents exécutifs du CAC 40 ont donc perçu un total moyen 2008 de 3,6 M€ contre 4,7 M€ en 2007 : ce montant moyen de 3,6 M€ n’excède plus le plafond Proxinvest du socialement acceptable : 240 fois le SMIC (4,3 M€). Il se compare à un total perçu par les autres premiers dirigeants de l’indice 120 hors CAC 40 à 1,8 M € contre 2,2 M€ en 2007.

Cette année, le rapport annuel de Proxinvest élargit l’analyse aux grandes sociétés européennes (Indice DJ Eurostoxx 50 auquel ont été ajoutées les dix plus grandes capitalisations anglaises et suisses). Sur une base salariale, les présidents exécutifs français ne sont pas les plus payés : ils reçoivent avec leur 2,2 M€ moins que leurs collègues suisses et espagnols (4,5 M€) mais plus que leurs collègues néerlandais (2 M€) et belges (1,5 M€).

Préoccupation reprise ce mardi par l’AMF, la rémunération des présidents non exécutifs, les « chairmen ». Alors que se pose la question du contrôle par l’assemblée générale de ces rémunérations exceptionnelles (conventions réglementées, résolutions externes non portées à l’ordre du jour), il apparaît que les présidents français sont parmi les mieux rémunérés en Europe juste après leurs voisins latins et plus de quatre fois leurs homologues allemands et néerlandais. A contrario, les administrateurs français ressortent moins bien lotis que leur président et moins rémunérés que leurs homologues européens, au douzième rang sur les seize pays que comprend l’étude des 300 premières capitalisations européennes (indice FTSE Eurofirst 300).

La bonne lisibilité des critères de performance applicables aux bonus et aux plans actionnariaux sera un axe privilégié de contrôle de Proxinvest lors des assemblées générales 2010, les critères de performance n’étant que trop souvent partiellement communiqués. On ne peut suivre l’AMF lorsqu’elle admet complaisamment la recevabilité de critères de performance qualitatifs, « tout à fait légitimes », même s’ils restent confidentiels, pour la détermination de la partie variable de la rémunération. Proxinvest rejettera tout plan actionnarial n’offrant pas de critère de performance pertinent, lisible ou portant sur une période trop courte.

Proxinvest, qui avait salué le rapport AFEP MEDEF d’octobre 2008 comme un nouveau pas dans la bonne direction, salue aussi les effort de transparence entrepris par la grande majorité des sociétés mais attend des améliorations sur le niveau de transparence relatif aux équipes dirigeantes et sur le coût individuel des régimes de retraite sur-complémentaires. Si la transparence progresse, on ne peut que déplorer que la responsabilité régresse.

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