Elargi pour la première fois aux 450 plus grandes sociétés cotées européennes, ce treizième rapport de Proxinvest sur les assemblées générales révèle une baisse de la confiance des actionnaires en 2009.

La participation au vote continue de progresser et atteint 68,8% du capital contre 68,3% en 2008 pour les sociétés du SBF 250. Au sein de l’échantillon européen, 450 sociétés comprises dans les indices MSCI Europe et FTSEurofirst 300, la France en troisième position des pays à la plus forte participation avec un taux de 69% supérieur à la moyenne européenne de 61,9 %. Elle est devancée par l’Espagne dont les actionnaires sont incités à voter via un système ingénieux de dividende complémentaire pour chaque action votée. Les fortes hausses de la participation observées ces dernières années rendent désormais infondées et inutiles certains mécanismes de protection des dirigeants contre les prises de contrôle « rampantes » comme les limitations de droits de vote, rejetées par les actionnaires de Veolia et Essilor en 2008, et toujours conservées chez Société Générale, Total, Schneider Electric, Pernod Ricard, Lafarge et Danone. En ce qui concerne le nombre d’actionnaires votants, le constat est contrasté. Sept des quinze assemblées européennes à la plus forte participation en nombre d’actionnaires votants sont tenues en 2009 par des sociétés françaises (Nokia n°1, Air Liquide 4ème, de loin la première française avec 147 000 votants, en hausse de 19%). Malheureusement trop peu communiquée, l’évolution moyenne du nombre d’actionnaires votants est cependant en recul de 4,7%, à moins de 8% du nombre total d’actionnaires, témoignant d’un manque d’engouement de nos élites économiques et politiques pour l’actionnariat populaire et du retard pris par les grands banquiers français dans le développement du vote par Internet, pourtant légalement prévu depuis la Loi NRE de 2001.

En 2009, la contestation des actionnaires, qui témoigne d’une certaine défiance, se reprend nettement, le taux d’approbation moyen passant de 4,84% sur le CAC 40 en 2008 à 5,90% en 2009. Hormis le cas de la Belqique, marqué exceptionnellement par vingt-cinq résolutions retirées ou rejetées chez Fortis (remise en cause des administrateurs), les sociétés françaises sont les plus contestées : le taux d’approbation moyen des résolutions y est particulièrement faible et le nombre de sociétés aux résolutions rejetées y est le plus important.

Il est vrai que les sujets à contestation demeurent nombreux dans les assemblées générales françaises, par exemple les demandes multiples d’autorisations d’augmentation du capital sans droit préférentiel de souscription, les dispositifs anti-OPA ou encore certaines conventions réglementées. Les questions de rémunération sont également particulièrement sensibles. Les indemnités de départ des mandataires sociaux dirigeants et les plans d’options ou actions gratuites affichent de forts taux d’opposition et certains rejets. En Europe également les sujets de rémunération sont au cœur du débat : alors que Ethos, partenaire suisse de Proxinvest, réussit à introduire le vote sur les rémunérations (« Say On Pay ») dans les grandes sociétés suisses, trois sociétés britanniques ont vu leur rapport sur les rémunérations rejeté (Royal Bank of Scotland, Royal Dutch Shell PLC), trois sociétés néerlandaises ont été poussées à retirer des propositions de modification de la politique de rémunération des dirigeants (Heineken, Randstad Holding, Royal DSM) et en Allemagne, Infineon s’est vu rejeter une résolution autorisant un nouveau plan d’options pour les dirigeants.

Expressions de divergences ou de conflits entre actionnaires et dirigeants, le nombre de résolutions externes est multiplié par trois en 2009 pour atteindre soixante deux résolutions dans dix-sept sociétés différentes. Les actionnaires salariés se montrent de plus en plus actifs avec des résolutions chez Total, GDF Suez, EDF, Schneider Electric et CGG Veritas. Les candidatures externes d’actionnaires dits dissidents caractérisent les assemblées d’Anovo et d’IMS. Certains actionnaires minoritaires ouvrent parfois le débat sur certains points financiers ou de gouvernance en déposant ces résolutions (Gecina : révocations et amendements de résolutions ; Bricorama : gouvernance et conventions réglementées avec l’actionnaire principal, Guyenne et Gascogne : dividende exceptionnel et suppression du droit de vote double).

En France, la saison 2009 des assemblées générales restera également marquée par le refus d’inscription à l’ordre du jour de trois résolutions externes demandant l’approbation de la rémunération du président non exécutif (Total, Sanofi-Aventis, Cap Gemini), les conseils d’administration arguant que la rémunération du Président du Conseil était de la compétence exclusive du conseil et que l’assemblée générale n’avait donc aucun droit de regard sur celle-ci. Loin de fonder leur légitimité sur la confiance de leurs actionnaires, les conseils d’administration préfèrent les voies incantatoires du « comply or explain » pour abuser les investisseurs par des exercices de gouvernance déclarative mais non responsable. Il demeure que les actionnaires préfèrent l’intégrité et la responsabilité à l’étalage des vertus de bonne gouvernance. Il n’est pas interdit de penser que l’affaire Veolia-EDF tout comme l’affaire EADS ont un coût économique élevé du fait de l’impact négatif sur le coût du capital. Il faut donc que le gouvernement renforce les pouvoirs du régulateur, diversifie son collège et augmente ses moyens afin de renforcer la confiance des marchés et obtenir l’impact économique positif sur l’investissement.

La confiance du marché dans les sociétés françaises sera d’autant plus forte et le coût du capital d’autant plus faible que celles-ci bénéficieront d’investisseurs de long terme s’engageant collectivement pour instaurer les meilleurs standards de gouvernance et un profond respect des règles de la démocratie actionnariale. La politique de vote de Proxinvest pour la saison 2010 des assemblées générales présentée dans ce rapport affirme pour sa part la nécessité de la séparation des fonctions de président du conseil et de directeur général, un meilleur contrôle de la disponibilité et de la rémunération des présidents non-exécutifs et enfin la surveillance de la qualité des conditions de performance pour les plans d’options ou d’actions gratuites attribués aux mandataires sociaux dirigeants.

9 Février 2010

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