L’AMF avait jugé recevable l’offre publique amicale lancée par le PDG du Club Méditerranée (CLUB MEDITERRANEE)  avec l’actionnaire chinois FOSUM et l’ex-fonds français AXA Private Equity l’été dernier.

Proxinvest, comme l’ADAM, s’était inquiété de cette proposition à bas prix et la résistance de minoritaires courageux ont permis de faire advenir une contre-offre de  l’italien Andrea Bonomi.  Bravo l’ADAM!

C’était pourtant l’archétype de l’opération d’initiés,un bouquet de conflits d’intérêts… Tous alliés pour flouer les minoritaires déçus de la gestion trop confortable menée depuis dix ans par le fort aimable PDG Henri Giscard d’Estaing. Celui-ci entend se proroger en invitant ses actionnaires à vendre l‘action au prix bas de 17 euros finalement révisé à 17,50 euros alors que le cours se traîne à sa valeur comptable depuis 2007…

Depuis plusieurs années Proxinvest critique les faiblesses de la gouvernance d’un conseil d’administration trop complaisant et peu indépendant: en 2013 comme en 2012, Proxinvest recommandait plus d’air dans un conseil qui approuvait de généreuses indemnités de départ au bénéfice du PDG et du DGD, diverses conventions amicales peu lisibles avec des actionnaires partenaires dans le secteur comme CMVT International, Rolaco, etC…, enfin, cette année le renouvellement de Ernst & Young commissaire aux comptes titulaire depuis 32 ans. L’ADAM avait d’abord justement relevé que l’OPA des dirigeants sur le Club Méditerranée est une opération qui comporte de nombreux conflits d’intérêts : – ses initiateurs sont ses deux principaux actionnaires, siégeant au conseil d’administration, conjointement avec son management ; – 400 cadres se verront offrir d’entrer dans la société holding par l’exercice de leurs options; – deux autres actionnaires importants, siégeant également au conseil d’administration (Rolaco, actionnaire séoudien, et la CDG marocaine) ont des accords de partenariat avec la société à propos de l’exploitation et/ou du développement d’hôtels et de villages du club, accords qui font l’objet de conventions réglementées.

Par ailleurs, l’ADAM mettait en cause l’indépendance de l’expert, le cabinet Accuracy, prestataire habituel de l’initiateur de l’offre AXA Private Equity. Pour l’ADAM les quatre missions effectuées pour AXA Private Equity par Accuracy révèlent une absence d’indépendance. On reconnait ici le laxisme ambiant depuis de nombreuses années sur cette question de l’indépendance des experts tant en matière d’offres publiques, comme en matière plus large de gouvernance d’entreprise. L’ADAM relève contestait aussi l’intégrité de l’information de l’initiateur qui annonce un actionnariat français majoritaire à l’issue de l’opération, alors que la structuration ressemble fort – en ce qui concerne le rôle d’Axa Private Equity tout au moins – à une opération de portage permettant de transmettre mécaniquement et en douceur le contrôle de la société au chinois Fosun…

L’ADAM soupçonnait l’existence probable d’autres conventions connexes, sans doute plus simples, avec certains actionnaires importants, la CDG du Maroc et Rolaco, quoique l’expert parmi les « limites de ses travaux », indique que l’Initiateur « a confirmé qu’ aucun autre accord conclu par l’Initiateur ou les personnes avec lesquelles il agit de concert ne contiennent de clauses constituant un complément de prix » , la CGD déclarant au Maroc que son partenariat continuera à se renforcer notamment avec l’ouverture prévue du nouveau village Club Med à Oued Chbika»… L’ADAM contestait aussi l’engagement des deux dirigeants du Club Med MM. Giscard d’Estaing et Wolfovski, de s’abstenir d’investir ou de participer au financement d’un projet concurrent concernant Club Méditerranée … », ces engagements constituant « autant d’obstacles au libre jeu des enchères, inacceptables au regard de la réglementation boursière (article 231-3), et par ailleurs, ne paraissant guère compatibles avec les devoirs fiduciaires des mandataires sociaux envers la société et ses actionnaires. »

Se posait d’ailleurs l’utile question de savoir qui finançait les frais relatifs à l’offre qui se montent à 29 millions d’euros. Poser la question c’est presque y répondre, puisque il est admis en France que les sociétés cotées financent les opérations financières ou fiscales de leurs dirigeants…Le Club Med, espérons le, pourra nous rassurer… Pour l’ADAM, « On ne voit pas où est l’intérêt de la société et des autres actionnaires dans cette opération d’autant que, s’agissant d’un LBO, elle n’a pas non plus pour objet, bien au contraire d’accélérer l’effort d’investissement, ni d’assurer la stabilité de l’actionnariat au-delà du remboursement des dettes de l’initiateur. /.. loin d’apporter des capitaux à la société, l’initiateur va prélever sur elle de quoi rembourser ses 545 millions de dette. » « Il est choquant, poursuit l’Association, que les dirigeants, qui ont un devoir fiduciaire vis-à-vis des actionnaires et la responsabilité de l’égalité de traitement des actionnaires aient choisi de s’associer au projet de l’initiateur moyennant des avantages très substantiels (comme la souscription aux actions de préférence 3 ouvrant droit à une distribution exceptionnelle dont le montant n’est pas indiqué) plutôt que de chercher à poursuivre le repositionnement du Club avec le soutien (au besoin dans le cadre d’un pacte) de l’ensemble des actionnaires qui ont fait preuve de leur fidélité. » Au regard de la vacuité du projet, la complexité du montage proposé, avec non moins de 4 catégories d’actions de préférence auxquelles s’ajoutent des obligations convertibles (dont une donnant droit à une distribution exceptionnelle attribuées aux dirigeants et aux 400 cadres), suffit pour Proxinvest à dénoncer la trahison des actionnaires du Club Med par leurs administrateurs.

Le Monde nous confirme qu’après avoir ruiné les OPCVM de Richelieu Finance par des perspectives trop belles, puis réussi à résister aux menaces de Bernard Tapie, ce PDG bien né, moins performant que conformiste, s’est jeté dans les bras de ses deux premiers actionnaires en leur proposant avec les banques le traditionnel « LMBO sur moi-même », le miroir aux alouettes des années fric, évidemment joué ici sur un prix d’achat justement jugé insuffisant par l’ADAM. Heureuse complémentarité, l’équipe de direction et des employés de Axa Investment Managers Private Equity SA jouaient la même partie typique du « LMBO sur moi-même », pratique peu innovatrice mais rentable et systématiquement encouragée par nos banquiers pour leurs derniers clients, les dirigeants avides.

Hélas, loin de l’aventure enthousiaste de Serge Trigano, en l’absence d’une meilleure gouvernance des sociétés, d’une réglementation plus sévère des offres publiques, les actionnaires minoritaires, plumés, demeureront les ortolans du banquet du Club Med.

« Bon appétit , Messieurs… » (Ruy Blas)

Update :  l’offre italienne intervenue au printemps 2014 change la donne !

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