Le mariage franco-allemand Siemens-Alstom témoigne bien des qualités et défauts de la place de Paris, capable des meilleurs virages stratégiques et incapable de se valoriser correctement lors des prises de contrôle.

Il convient en effet d’encourager le rapprochement entre les deux constructeurs ferroviaires, concurrents historiques, excellents porteurs de la fierté industrielle et technologique de la France comme de l’Allemagne,  que le TGV apporte à l’ICE ce qu’il a de meilleur et que ce nouveau champion européen devienne de taille face à rivaliser face à son nouveau concurrent chinois. Ce qui est seulement triste est de payer ici encore par une forme de perte de contrôle, après Lafarge et Technip,  la médiocrité de notre gouvernance à la française, l’absence d’actionnariat individuel et surtout l’incapacité des administrateurs et des investisseurs à obtenir de réelles indemnisation lors des prises de contrôle.

Le gouvernement et le management d’Alstom nous vendent un « mariage entre égaux ». Tout le monde sait désormais que les mariages entre égaux n’existent pas. Certes, l’opération est montée de telle sorte que les deux sociétés pèseront 50%-50%. Les chiffres d’affaires sont proches, Alstom a pour lui un carnet de commandes d’Alstom largement mieux garni et des droits de vente de participation dans les joint-venture Energie avec JV qui valent plusieurs milliards d’euros mais Siemens Mobility a pour lui une bien meilleure rentabilité de ses activités.

En pratique, il s’agit toutefois d’une prise de contrôle de Siemens qui détiendra un peu plus de 50% du capital et désignera dans un premier temps 54% des administrateurs (6/11). Bien entendu à ce niveau, plus besoin du fameux droit de vote double qui sera fort heureusement supprimé. Fini aussi la mascarade de l’emprunt des droits de vote de Bouygues par l’Etat. Une « prime de contrôle » de 4€ par action est annoncée pour les actionnaires d’Alstom, soit environ 13% de la valeur d’Alstom, un montant particulièrement faible par rapport à ce qu’exigeraient les administrateurs et investisseurs d’autres places financières, sur la place de Londres par exemple. La prime de contrôle implicite est clairement insuffisante et à vouloir absolument vendre « un mariage entre égaux », Alstom et l’Etat privent les actionnaires d’Alstom d’une indemnisation légitime à laquelle ils devraient avoir droit.

Ceci est d’autant plus dommage que l’intérêt stratégique du nouvel ensemble bénéficiant d’un meilleur positionnement concurrentiel est réel et qu’il faut reconnaître à la société, depuis la désastreuse cession des turbines à General Electric, de légers progrès en matière de gouvernance.  La vision stratégique européenne est certainement une qualité et une priorité de nos grands dirigeants, dommage qu’ils manquent parfois de goût pour la défense de l’actionnariat. A défendre un peu mieux le patrimoine des actionnaires en exigeant le paiement de réelles primes de contrôle, on défendrait parfois un peu mieux un capitalisme français qui manque malheureusement d’investisseurs engagés et d’actions collectives.  

 


 

 

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