Transactions avec des parties liées, rémunérations excessives, relations complexes avec ses commissaires aux comptes, risque de dilution… La société EuropaCorp inquiète depuis de nombreuses années Proxinvest qui aura alerté ses clients sur ce dossier. Introduite en bourse à 15,50€ par action il y a dix ans, la société ne vaut plus que 2,04€ par action au 2 octobre 2017 après notamment une division par deux durant un été meurtrier marqué par l’échec du film Valerian.

Proxinvest  s’est donc rendu le mercredi 27 septembre 2017 à la cité du Cinéma (Saint-Denis) pour participer à l’assemblée générale des actionnaires d’Europacorp, la société de production cinématographique présidée par Luc Besson. Les quelques cinquante actionnaires présents avaient de quoi être désenchantés : en plus de l’absence du président du conseil, ils ont pu constater l’état financier dégradé de la société, qui n’a pas su renflouer ses pertes importantes.

La société avait pourtant fait un nouveau pari avec le long métrage Valérian et la Cité des Mille Planètes. Avec de bons résultats en France, l’exploitation à l’international s’est pourtant trouvée essoufflée rapidement. En définitive, le film aurait pu permettre de récolter 211 millions d’euros (source : boursier.com), une somme insuffisante pour éponger les coûts de production.

Europacorp présente de longue date des budgets déséquilibrés, et a connu depuis plusieurs années une chute progressive de son cours de bourse. La société a dû concéder à plusieurs remaniements de direction, jusqu’au départ d’Edouard de Vésinne, directeur général délégué, au début du mois de septembre. Lors de l’assemblée générale, le groupe a pourtant défendu sa situation financière en pointant la responsabilité d’un partenaire non fiable avec qui il avait réalisé une joint venture en 2014  et en évoquant des modifications abruptes du secteur d’activité qui auraient impacté l’ensemble de ses concurrents.

Toutefois, le directeur général, Marc Shmuger, a admis qu’Europacorp avait sa part de responsabilité : avec des investissements trop importants, des frais de fonctionnement trop élevés, un trop grand nombre de projets, la direction a avoué avoir eu des ambitions trop importantes, qui l’avait amené à avoir des besoins de recapitalisations répétés.

Les solutions proposées par la direction semblent donc simples : limiter le nombre de films produits par an (passer de 8-10 à 5-6 productions annuelles), se recentrer sur le cœur de métier d’Europacorp, mettre fin à son partenariat toxique, et laisser plus de place à la personnalité de Luc Besson, qui devrait écrire, réaliser ou produire la majorité des productions de la société. Europacorp entend ainsi se rapprocher de ce qu’elle était à son âge d’or, au début des années 2000.

Nous restons toutefois sceptiques vis-à-vis de la volonté de recentrer l’activité de la société autour de la personnalité de Luc Besson. Si la société affirme que les films qu’il réalise sont ceux qui sont les plus rentables,  l’échec de sa dernière production nous fait douter quant à ce choix stratégique et au risque que peut engendrer une trop grande liberté artistique. Et ce en particulier dans une société où Luc Besson représente à la fois un fondateur, un président du conseil, un actionnaire majoritaire, un des premiers salariés, une source artistique et une des sources principales de revenus.

Proxinvest aura posé une question orale sur les imprécisions concernant la politique de rémunération des membres. En effet, même si la société se soumet à la loi Sapin 2 (qui l’oblige à soumettre au vote des actionnaires la politique de rémunération de ses dirigeants), elle ne dévoile aucunement cette politique et demande donc à ses actionnaires de se prononcer à l’aveugle, en laissant penser que les rémunérations n’évolueront donc pas par rapport à l’année dernière. La réponse des dirigeants n’était pas totalement satisfaisante. En effet, le directeur général délégué n’a fait qu’avancer le fait que la rémunération de Luc Besson était très modérée en comparaison des réalisateurs américains de la même envergure, sans répondre sur le manque de transparence de sa société.

Nous n’étions pas les seuls à demander plus d’informations sur les raisons des difficultés financières d’Europacorp. Les actionnaires ont été nombreux à interroger les dirigeants sur les sources du problème, et les solutions possibles. En effet, l’entrée au capital du distributeur chinois Fundamental Films a été possible par une augmentation de capital qui a dilué l’ensemble des actionnaires préexistants. Des besoins de recapitalisation pourraient donc constituer une nouvelle menace pour les investisseurs minoritaires, notamment lors des rumeurs évoquées de rachat par la société Mediawan, que les dirigeants d’Europacorp ont refusé de commenter. Le vote à mains levées n’encourage pas à la contestation l’opposition des suffrages fut marginale, mais l’ambiance n’y était pas et Europacorp a plutôt inquiété que rassurer ses investisseurs lors de son assemblée générale, une occasion sans doute manquée.

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