Déjà en 2006, Proxinvest, tout comme 38% des voix de l’assemblée générale d’Alcatel, critiquait les 3M€ d’indemnités de départ versés par le conseil d’administration d’Alcatel à Philippe Germond, ancien dirigeant de Cegetel, pratique dispendieuse mais courante d’un Serge Tchuruk prompt, il est vrai, à user ses numéros deux sans jamais leur laisser sa place et à user de l’argent des actionnaires pour acheter leur départ…

Puis, fin 2008, le conseil de surveillance d’Atos Origin  refusait au même Philippe Germond poussé dehors par de grands actionnaires, le versement final de 4M€ d’indemnités au regard du code AFEP-MEDEF qui prévoyait que de telles indemnités ne devaient être versées qu’en cas de changement de contrôle ou de stratégie. Les commentateurs s’en arrêtent souvent là, mais on oublie alors la suite de l’histoire. Le 24 juin 2009, Philippe Germond assigne son ancien employeur Atos Origin devant le tribunal de commerce de Nanterre. Le 5 avril 2011, le tribunal oblige Atos qui s’exécute à verser l’équivalent de 2 mois de salaire et bonus, soit 378 500€. Philippe Germond décide alors de faire appel. La cour d’appel de Versailles lui donne enfin raison fin 2012 et condamne la société à payer un total de 3 960 000€ plus intérêts de retard, soit un restant dû à payer de 3 834 280 euros. Le conseil de surveillance d’Atos Origin présidé par Didier Cherpitel, complice de Philippe Germond dans une opération douteuse contre le fonds Pardus,  aura laissé un triste souvenir aux actionnaires.

Après un passage à la tête du PMU, Philippe Germond arrive fin 2014 chez Europcar. L’actionnaire Eurazeo a alors l’intention d’introduire en bourse la société de location de véhicules.  Pour l’introduction en bourse, le nouvel arrivé percevra 2 000 000€ de prime exceptionnelle dès 2015. Mais un an et demi après l’introduction, en novembre 2016, les actionnaires ont perdu 47% de leur investissement le cours de bourse plongeant de 12,17 €/action à 8,29 €/action au 22 novembre 2016, veille de son départ et Philippe Germond doit finalement quitter Europcar Au passage le Conseil de Surveillance d’Europcar du 23 novembre 2016, sur recommandation du Comité des rémunérations et des nominations du 22 novembre 2016, fixe le montant de ses indemnités  :

Indemnité de départ : 1 100 000 euros, soit l’équivalent de 15,65 mois de rémunération fixe et variable.

La société explique que  les trois objectifs quantitatifs de performance prévue par la clause « Révocation du mandat » du « Term Sheet » ont été atteints à 92,17 %. Malgré la baisse dours de 47%, le conseil de surveillance se montre particulièrement généreux. Retour d’ascenseur de l’actionnaire historique Eurazeo, heureux d’avoir pu céder pour plus de 400M€ d’actions lors de l’introduction de 2015?

Indemnité de non-concurrence : 210 725 euros, soit trois mois de rémunération fixe et variable, ce montant devant être versé à Monsieur Philippe Germond en deux fois : (i) un versement de 105 363 euros le 23 mai 2017, et (ii) un versement de 105 362 euros le 23 novembre 2017.

Au total, ces indemnités de 1 310 275€ versées par Europcar excèdent le plafond de 12 mois de rémunération défini par Proxinvest. Il serait enfin temps que le code AFEP-MEDEF révise sa copie puisqu’il accepte jusqu’à présent deux années de rémunération en indemnisation du départ.

Il serait temps aussi que les conseils d’administration et de surveillance, comme celui d’Eurazeo, intègrent le parcours boursier comme un des critères préalables à ces versements communément qualifiés de « parachutes dorés ». Depuis la Loi TEPA il ne devaient plus y avoir de versement de parachute en cas d’échec. Et 47% de destruction de valeur actionnariale ne peut pas, être considéré comme une réussite donnant droit à de tels versements de départ.

Il est temps aussi que les actionnaires se réveillent. Proxinvest recommande donc de s’opposer aux conditions d’indemnisation de Philippe Germond en s’opposant aux résolutions 5 et 12 de l’AG d’Europcar (entre autres). A l’AG 2016, l’an dernier déjà, nombre d’actionnaires a contesté la résolution relative à cette indemnité.

Celle-ci a fait l’objet d’un vote distinct, conformément à la Loi, grâce à la demande d’un actionnaire, mais les conditions de performance n’avaient pas été précisément communiquées. Cette résolution, qui fit l’objet d’une opposition d’une majorité des voix des actionnaires minoritaires,  fut approuvée à 82% des voix grâce au soutien de l’actionnaire de contrôle Eurazeo.

Quand donc ce grand fonds d’investissement français Eurazeo s’engagera-t–il contre la rémunération de l’échec et les trucages, et en faveur de meilleures pratiques de gouvernance et de rémunération dans les sociétés dans lesquels il est grand actionnaire?

Au conseil d’administration d’Accor, son représentant Patrick Sayer, soutient cette année le droit de vote double,  lequel crée un risque accru de prise de contrôle par certains actionnaires étrangers d’Accor, comme concurrent chinois Jin Jiang (vote de la résolution proposée par Phitrust et 14 investisseurs lors de l’assemblée générale ce vendredi).

Certes, Eurazeo agira comme il l’entend, mais l’introduction en bourse d’actifs au parcours boursier chaotique suivi du paiement d’indemnités injustifiables payées avec l’argent de des actionnaires nuira à sa réputation de professionnels responsables tout comme cette faveur protectionniste  du droits de vote double pour certains aux dépens de la protection des minoritaires…

 

3 Mai 2017

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