retraite chapeauScandale de plus en plus régulier, les retraites chapeau occupent régulièrement le devant de la scène. Depuis de nombreuses années pourtant Proxinvest réclame davantage de transparence sur le sujet, car ces retraites « sur-complémentaires » constituent des éléments de rémunérations à part entière.

Après deux nouvelles polémiques à l’automne 2014 (la provision de 21M€ pour le régime de retraite chapeau de Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, et le régime de retraite chapeau de Didier Lombard, ancien PDG d’Orange), le 18 novembre 2014, Emmanuel Macron a annoncé sa volonté de supprimer ce dispositif : « J’ai demandé avec Michel Sapin qu’une mission de l’Inspection générale des finances soit faite pour que (…) nous puissions trouver une vraie solution pour supprimer les retraites chapeau et les remplacer par un régime de droit commun plus lisible pour tous les Français», a déclaré le ministre de l’Economie devant les députés.

Cette déclaration fait suite aux propos du PDG d’Orange, Stéphane Richard, qui a estimé que l’abandon de ces dispositifs serait « peut-être une voie assez saine ».

Proxinvest applique depuis longtemps une politique de vote rigoureuse afin de combattre la pratique de retraites trop généreuses, opaques et dont le coût est obscur. Tardivement, le code AFEP-MEDEF a abordé le sujet. La révision 2013 du code avait donc introduit un plafond de la retraite et une limite d’acquisition des droits par an, une ouverture plus large des plans et une ancienneté minimale. Cependant, il reste possible d’être plus exigeant avec les limites fixées.

La question des retraites chapeau illustre les limites de l’auto-régulation. A vouloir satisfaire tous les dirigeants, le code a fixé des normes trop laxistes pour éviter les scandales en la matière. Le code AFEP-MEDF se borne par exemple  à plafonner les rémunérations à 45% de la dernière rémunération (rémunérations fixes et variables dues au titre de la période de référence qui doit être de plusieurs années), soit l’équivalent d’une retraite chapeau de 1 000 000€ brut par an. Proxinvest estime pour sa part qu’un double plafond de 20% de la rémunération de référence et une rente additive maximale de 300 000 € doit être respecté.

Une suppression de ces dispositifs ne constituerait cependant pas une solution satisfaisante. En effet, les exemples d’innovations visant à contourner la législation sont nombreux en matière de rémunération, avec en dernier lieu les fameuses « allowances » versées par les grandes banques européennes afin de compenser le plafonnement des bonus des banquiers imposés par l’Union Européenne.

Malgré les excès, Proxinvest ne se prononce pas en faveur d’une suppression du dispositif, qui correctement employé aurait du constituer un élément de fidélisation du dirigeant et donc favoriser son association à la création de valeur à long-terme. Il s’agit dès lors de renforcer l’encadrement des retraites chapeau pour qu’elles ne bénéficient qu’aux dirigeants méritants, ce qui peut être entrepris dans le cadre du code de gouvernance. Un premier pas, timide certes, vers la mise en place de critères de performances associés, est apparu dans le premier rapport d’activité du Haut Comité de Gouvernement d’Entreprise, crée par le code AFEP-MEDEF 2013 :

« Par ailleurs, le Haut Comité a eu l’occasion de se pencher sur la situation spécifique d’une société rencontrant des difficultés économiques. Dans ces circonstances, il est naturel que la rémunération des dirigeants soit réduite en conséquence, et cela se produit en général automatiquement par l’application des critères de la rémunération variable (voire dans certains cas par une renonciation volontaire des bénéficiaires de cette rémunération variable). Mais le Haut Comité a recommandé que cela s’applique aussi à l’avantage souvent significatif que représente l’engagement de retraite supplémentaire. Les plans de retraite, dont la loi n’exige pas qu’ils soient assortis de conditions de performance, devraient donc prévoir que le taux d’acquisition de nouveaux droits soit réduit provisoirement (voire que l’acquisition soit suspendue) pendant la période où les difficultés éventuelles de la société perdurent. »

 Davantage de transparence, davantage de progressivité dans l’acquisition des droits (Proxinvest recommande de ne pas attribuer plus de 1,50% de la rémunération par année de présence), la préférence pour les régimes à cotisations définies (art. 83 CGI) en place des régimes à prestattions définies (art. 82 CGI) et un lien réel avec la performance de l’entreprise sont donc les principaux axes de progrès nécessaires. Ces éléments constitueraient des avancées concrètes en matière de rémunération des dirigeants et leur mise en place serait aisée dans le cadre actuel. A contrario, une suppression du dispositif par voie légale ne constituerait pas forcement une avancée, et sera selon toute probabilité habilement et rapidement détournée par des sociétés débordantes d’imagination.

Quelle que soit l’issue de ce débat et les mesures prises, en déclarant qu’ « aucune loi ne remplacera l’éthique des dirigeants », le ministre de l’économie souligne que le problème – et sa solution – se situent peut être ailleurs.

 

P.S : Cet article est extrait du rapport Proxinvest sur la rémunération des dirigeants des sociétés du SBF 120 qui paraîtra le mercredi 26 novembre 2014

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