En février 2017 a été annoncé le remplacement de Patrick Buffet par Christel Borries au poste de PDG d’Eramet. Parti officiellement le 23 mai 2017 après dix années à la tête du groupe, l’assemblée générale du 24 mai 2018, contrôlée par la famille Duval et l’Agence des Participations de l’Etat, devra valider sa rémunération au titre de 2017 au sein de la résolution 8. En attribuant une indemnité de 2 991 860€ et le maintien de 44 810 actions gratuites non acquises en sus d’une retraite supplémentaire, les administrateurs et actionnaires de contrôle auront fait état de largesses pour ce départ.

  • Une indemnité de départ de 2 991 860€ trop généreuse

Au titre de l’exercice 2017 (5 mois), M. Buffet s’est vu attribuer 318 053 € de fixe, ainsi que 452 124 € de bonus (sous réserve de l’approbation de l’AG 2018). Cependant, suite à son départ contraint (les actionnaires agissant de concert « soucieux d’accélérer la croissance du Groupe, ont souhaité ouvrir une phase de transition managériale »), une indemnité de 2 991 860 € lui a été attribuée. Proxinvest s’oppose depuis longtemps aux indemnités de départ chez Eramet en raison de leur montant (24 mois de rémunération fixe+variable). En effet, si un dirigeant de société cotée est si bien rémunéré (environ 2,6 M€ en moyenne pour M. Buffet sur les 3 derniers exercices), c’est justement parce qu’il est révocable ad nutum. M. Buffet fut très bien rémunéré pendant ses dix ans à la tête d’Eramet,  lui attribuer en plus de ces généreuses rémunérations une indemnité équivaut à payer 2 fois la même chose.

Sur ce point, le conseil d’administration ne fait qu’utiliser les largesses ouvertes par les articles 23.5 et 24.5.1 du code AFEP-MEDEF favorable aux indemnités de départ élevées : 2 ans de rémunération (fixe + variable) alors que la politique de Proxinvest n’accepte qu’une année maximum et que la pratique anglaise correspond plutôt à 12 mois de salaire fixe seulement. Il est temps que le code AFEP-MEDEF réduise son plafond d’indemnisation des départs.

  • Le cumul d’une indemnité de départ et d’un régime de retraite supplémentaire

M. Buffet, agé de 63 ans,  bénéficie du régime de retraite à prestations définies, soit 317 501,60 euros de rente annuelle brute selon la société. Si le versement de cette somme annuelle est légitime au titre des engagements pris, l’octroi d’une indemnité de départ dans ce contexte paraît surprenante. Devoir indemniser à hauteur de 3M€ un dirigeant qui part tout en bénéficiant du régime de retraite supplémentaire maison semble tout de même paradoxal.

  • Le détournement de l’esprit de la Loi TEPA

La loi 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi « TEPA », subordonne les indemnités de cessation de fonctions à « des critères de performance. La condition de performance mise en place chez ERAMET (et reproduite en résolution 4 pour la nouvelle PDG) est proprement inacceptable. Il suffisait que la rémunération variable annuelle de M. Buffet sur les 3 dernières années soit supérieur à 35% de son fixe… Or, à elle seule la part qualitative totalement discrétionnaire du bonus représente 40% du bonus et le conseil pouvait garantir chaque année à son dirigeant l’obtention d’une part significative de son bonus et donc de l’atteinte pleine et entière des supposées conditions de « performance » annoncées. Pour mémoire, le code AFEP-MEDEF indique que ces conditions de performance « doivent être exigeantes« .

  • Le maintien des actions gratuites non acquises

En levant la condition de présence pour M. Buffet pour les plans de 2015 et 2016 non encore acquis, le conseil d’administration a permis à M. Buffet d’obtenir 44 810 actions gratuites de performance qu’il aurait dû perdre (plans 2015 et 2016). Au 31 décembre 2017, ces 44 810 actions ont une valeur de 4,4M€. Aucune de ces actions gratuites de performance dont M. Buffet a été bénéficiaire ces dernières années et non encore acquises au moment du départ n’a été annulée ou proratisée, comme le recommande Proxinvest et le Haut Comité de Gouvernement d’Entreprise (suite aux cas Alcatel-Lucent, Alstom).

Notons sur ce point que le code patronal est beaucoup trop laxiste. L’idée d’une attribution prorata  temporis du Haut Comité du Gouvernement d’Entreprise était excellente et il est temps que le code AFEP-MEDEF le reprenne. Actuellement le code AFEP-MEDEF prévoit « En cas de départ du dirigeant mandataire social avant l’expiration de la durée prévue pour l’appréciation des critères de performance des mécanismes de rémunération de long terme, le maintien en tout ou partie du bénéfice de la rémunération de long terme ou de son versement relève de l’appréciation du
conseil et est motivé. ». Pour résumé le conseil d’administration fait ce qu’il veut selon le code AFEP-MEDEF. Sans modification rapide du code, une intervention législative sur ce point serait légitime, l’auto-régulation semblant défaillante lors des départs de dirigeants.

CONCLUSION

Il est urgent de réformer le code AFEP-MEDEF et que les actionnaires se réveillent. Ce type de départ ne devrait plus pouvoir été jugé conforme au code de gouvernement d’entreprise.

Il convient que le Haut-Comité du Gouvernement d’Entreprise (HCGE) veille à l’application du principe de l’acquisition prorata temporis des actions gratuites sur l’ensemble des départs de dirigeants d’entreprises et non uniquement lors de scandales médiatisés. Il conviendrait aussi que le code AFEP-MEDEF réduise son plafond pour les indemnités de départ et importe le principe d’une acquisition prorata temporis lors des départs tout en veillant au maintien des conditions de performance. De nombreuses entreprises ont déjà appliqué volontairement ces recommandations de Proxinvest (FNAC-DARTY, Michelin, …).

Proxinvest appelle les actionnaires d’ERAMET à s’opposer aux résolutions 4 et 8 et attend des instances patronales, de la nouvelle PDG, des administrateurs représentant la famille Duval et de l’Agence des Participations de l’Etat de ne pas reproduire les erreurs du passé. Il n’est en effet pas convenable que les actionnaires minoritaires, nombreux à s’opposer lors de l’AG 2008 à la mise en place de cette indemnité, aient à supporter les erreurs des administrateurs représentant les actionnaires de contrôle (à l’époque la famille Duval et Areva). 

 

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