L’engagement actionnarial et le vote négatif des actionnaires lors des assemblées générales d’actionnaires sont des phénomènes relativement récents, dans la mesure où ces réunions entre dirigeants et investisseurs ont longtemps été des chambres d’enregistrement pour les décisions prises par les mandataires exécutifs.

Proxinvest, comme société spécialisée dans l’engagement actionnarial, a établi un rapport annuel sur les assemblées générales de la saison 2017  diffusé par la librairie LDEL Justicia. Dans ce rapport, nous étudions l’évolution et les formes d’opposition des actionnaires aux résolutions proposées aux assemblées générales.

L’opposition aux résolutions n’est plus un phénomène marginal. Ainsi, les taux de contestations en assemblée générale sont en augmentation régulière depuis plus de quinze ans. Pour le CAC 40, la contestation (% de voix contre) augmente de 1,37 point en 2017 pour s’établir à 6,51% contre 5,14% lors de la dernière saison. Elle baisse très légèrement pour les sociétés à petites et moyennes capitalisations pour atteindre 5,43 % en 2017 (-0,08 points). Toutefois, la tendance reste à la hausse ces dernières années.

La conséquence de cette tendance est une croissance du nombre de résolutions rejetées. Le nombre de résolutions n’atteignant pas le nombre de voix requis pour être adopté atteint cette année le nombre de 85, un score jamais observé auparavant par Proxinvest. Il s’agit d’une augmentation de 52% par rapport à l’année dernière.

Notre étude montre que les résolutions qui sont les plus concernées par la contestation des actionnaires sont très largement les augmentations de capital (avec 48 rejets), en particulier quand elles sont utilisables comme moyen de défense en période d’offre publique, l’émission d’options et d’actions gratuites (9 rejets), les rémunérations des dirigeants et les conventions réglementées (7 rejets chacun).

 

L’impact du droit de vote double sur la contestation des actionnaires :

L’opposition aux résolutions est un signe de contestation important où l’actionnaire exprime par un signe fort son désaccord vis-à-vis de la direction de la société. Pourtant, ce signe est souvent atténué du fait d’un contrôle de fait de la société par un actionnaire majoritaire disposant du droit de vote double. Proxinvest est de longue date opposé à ce mécanisme donnant deux droits de vote pour chaque action détenue depuis un certain nombre d’années au nominatif, qui favorise souvent l’actionnaire principal et lui permet de faire adopter des décisions sans avoir convaincu les actionnaires minoritaires.

Notons sur ce point que le code de gouvernance Middlenext pour les valeurs moyennes indique dans sa recommandation N°12 : « À l’issue de l’assemblée générale, le conseil se penche sur le résultat des votes. Dans les sociétés à capital contrôlé il porte une attention toute particulière aux votes négatifs en regardant, entre autres, comment s’est exprimée la majorité des minoritaires et en tire les enseignements avant l’assemblée générale suivante. » Il serait opportun que le code AFEP-MEDEF s’en inspire.

Proxinvest réalise chaque année des estimations des taux d’approbation des résolutions des assemblées générales en neutralisant l’actionnaire majoritaire ou de contrôle, ou en neutralisant l’effet des droits de vote double, ce qui révèle des taux d’opposition « réels » des minoritaires en général très significatifs. Le nombre de résolutions rejetées aurait dû être de 103 en 2017 si les sociétés respectaient le principe « une action = une voix ».

Par exemple, la société SFR, filiale d’Altice, n’a obtenu en 2017 qu’un quart de vote positif de ses actionnaires minoritaires sur certaines résolutions dans un climat de forte contestation des pratiques de l’actionnaire de contrôle Altice. Combien de temps le régulateur maintiendra-t-il ce dispositif du droit de vote double qui permet d’abuser de sociétés cotées au détriment des minoritaires ?

 

Le retrait de résolutions :

Certaines sociétés doivent retirer de l’ordre du jour certains votes sur des résolutions qui deviennent sans objet. En 2017, 8 résolutions n’ont pas été soumises au vote des actionnaires d’après le rapport Proxinvest sur les AG 2017. La pratique veut que le retrait de résolution fasse l’objet d’un amendement de retrait voté par l’assemblée générale. Ces résolutions sont parfois devenues sans objet (par exemple suite à la démission d’un administrateur préalablement à l’assemblée, alors que cette dernière devait statuer sur son renouvellement, ce qui est le cas pour la société Wendel par exemple).

Certaines sociétés, pourtant, semblent utiliser de manière abusive le retrait de résolutions en ne justifiant pas ce choix, en ne proposant aucun amendement de retrait, alors que les résolutions ne se trouvent pourtant pas être sans objet. Il s’agit dans certaines situations pour l’émetteur d’éviter de faire face à un refus des actionnaires et à une déconvenue publique par une opposition significative des actionnaires. Par exemple, lors de sa dernière assemblée générale en mai, la société Atos a retiré sa résolution portant sur un projet de plan d’actions de performance en 2017 « à la suite des discussions menées par la Société tant auprès des actionnaires qu’avec les agences en conseil de vote ». Compréhension par le conseil d’administration que les conditions du plan d’actions de performance n’étaient pas convenables ou volonté de ne pas afficher publiquement le désaveu des actionnaires? Dans les deux cas, un amendement de retrait aurait dû être voté, sans une telle résolution de retrait, l’ordre du jour doit ne pas être modifié selon le principe d’intangibilité des projets de résolution à partir de la publication au BALO de son avis de convocation. Seuls des résolutions nouvelles ou des amendements peuvent être proposés en séance.


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