zodiacRarement on aura vu une société enchaîner autant d’avertissements sur résultats en si peu de temps et provoquer la colère de ses principaux clients. Analystes et médias financiers ont ainsi pu suivre pour la seconde année de suite la saga des péripéties de Zodiac, une société qui avait pourtant habitué les investisseurs à un parcours boursier exemplaire.

Ses actionnaires resteront-ils de marbre ou grogneront-ils lors de la prochaine assemblée générale qui se  tiendra ce 19 janvier 2017 à Port-Marly ?

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La fourniture d’une suite de prévisions financières chiffrées jamais respectées (on est loin notamment de l’objectif initial d’une marge opérationnelle de 10% pour l’exercice) crée des déceptions fortes auprès des investisseurs et décrédibilise la direction et les efforts du groupe. Elle témoigne aussi de problèmes sur la maîtrise des coûts, délais et qualité de production.  Rarement on aura aussi vu d’importants clients (en particulier Fabrice Brégier, patron d’Airbus, mais aussi Boeing) se plaindre et critiquer un fournisseur.

S’opposer à l’approbation des comptes serait probablement trop sévère et potentiellement mal compris, mais en matière de gouvernance, la communication financière et la maîtrise opérationnelle du groupe méritent donc d’être mieux contrôlées  par le conseil de surveillance qui a peut-être laissé trop de liberté au directoire. Aussi le manque de rafraîchissement du conseil nous semble très préoccupant après ce nouvel exercice décevant. L’ordre du jour de cette assemblée générale ne comporte que des renouvellements de mandat et l’arrivée de Fidoma, la principale holding de détention de la famille  Domange, en tant que membre du conseil de surveillance. Bref, le manque flagrant  de nouvelles têtes au conseil est regrettable dans un tel contexte.

Jusqu’à présent, c’est surtout le Comex qui a évolué, le Directoire restant lui aussi plutôt inchangé suite au renouvellement du Président Olivier Zarrouati fin 2015, à l’exception de l’épisode malheureux  et furtif de la promotion de Yannick Assouad, chargée de résoudre les problèmes de livraison des cabines et toilettes, mais qui démissionna dès juillet pour prendre la tête de Latécoère. A noter qu’il est de pratique chez Zodiac que les membres du directoire soient aussi signataires du pacte d’actionnaire auprès des familles Domange, Desanges et Gerondeau. Ce type d’engagement de conservation, aussi appelé pacte Dutreil, généralement conclu pour des raisons fiscales, induit une évolution de la gouvernance « sous contrainte ». Au moins un  membre du pacte doit en effet occuper une fonction au sein de la société (membre ou président du directoire, Président du conseil de surveillance) et l’engagement de conservation ou d’incessibilité réduit in fine l’intérêt de tiers pour une éventuelle acquisition.

Dans un contexte de déceptions répétées depuis deux ans, les attentes des investisseurs en matière de gouvernance seront probablement fortes. L’an dernier, 20% des voix s’étaient déjà exprimés contre le renouvellement des mandats du Président du conseil de surveillance Didier Domange et de son épouse malgré leur succès historique. Ceux-ci quitteront le conseil de surveillance en 2018, une fois la limite d’age statutaire atteinte, et il est proposé lors de cette assemblée générale de janvier 2017 de nommer la holding de la famille, Fidoma, au conseil de surveillance, qui sera représentée par leur fils Richard. Bien que cela participe à une légitime transition, dans l’intervalle la famille Domange sera sur-représentée au conseil de surveillance  avec 25% des sièges pour seulement 10% du capital.

D’une manière générale, les signataires du pacte d’actionnaires continueront d’être sur-représentés au sein du conseil de surveillance puisqu’ils occuperont 41,7% des sièges pour une participation économique de 23,8% du capital. Grâce au mécanisme du droit de vote double, les signataires du pacte arrivent à contrôler 36% des droits de vote. Au regard de cette sur-représentation et du manque d’indépendance et de diversité du conseil, Proxinvest recommande aussi de s’opposer au renouvellement de Vincent Gerondeau, s’étonnant de voir un membre du pacte d’actionnaires qualifié d’indépendant. Sa présence au sein du conseil de surveillance ne peut être pure coïncidence. Fils du dirigeant historique à succès de Zodiac, Jean-Louis Gerondeau, il veille aux intérêts familiaux issus des plans de rémunération actionnarial de Zodiac et sa place au conseil s’explique par ce pacte d’actionnaires.  Selon le § 8.2 du code AFEP-MEDEF, « un administrateur est indépendant lorsqu’il n’entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société, son groupe ou sa direction, qui puisse compromettre l’exercice de sa liberté de jugement. Ainsi, par administrateur indépendant, il faut entendre tout mandataire social non exécutif de la société ou de son groupe dépourvu de liens d’intérêt particulier (actionnaire significatif, salarié, autre) avec ceux-ci. ». Etre co-signataire avec la direction et d’autres actionnaires d’un pacte d’actionnaire crée donc bien un lien particulier et la société n’aurait donc pas dû se déclarer conforme au §8.3 du code AFEP-MEDF qui demande que la moitié des administrateurs soit indépendant. Erreur classique des groupes français qui préfèrent jouer avec les règles plutôt que de donner une bonne explication à une non-conformité. La Soft Law et le principe « Comply or Explain » sont encore loin de la culture de gouvernance française…

Introduite sur le second marché en 1983, Zodiac est une incroyable aventure industrielle et boursière. Après une multitude de succès, le groupe rencontre actuellement une crise de croissance qu’il doit digérer. Dans cet environnement, les actionnaires de référence ne devraient rien avoir à craindre d’ouvrir le conseil de surveillance à plus de personnalités indépendantes, qualifiées et diverses.  Alors que le groupe a des clients aussi prestigieux que Boeing et des sites de production à travers le monde, le conseil devrait enfin s’ouvrir à un premier membre de nationalité de nationalité étrangère. De même il convient de renforcer la compétence du conseil en matière d’industrie aéronautique en trouvant d’autres profils après l’arrivée de Patrick Daher en 2014. Pour ces raisons, Proxinvest ne peut recommander ni de soutenir les renouvellements de mandat de Gilberte Lombard et Vincent Gerondeau (résolutions 7 et 9) ni la nomination de la société FIDOMA comme membres du conseil de surveillance (résolution 10).

Le groupe doit rassurer sans multiplier les risques. Proxinvest s’interroge sur la capacité de la société à maintenir son dividende sans impacter ses investissements, son niveau d’endettement et sa capacité bénéficiaire de long terme.  Le directoire proposé un dividende inchangé à 0,32€ par action, soit un total de 93M€, malgré la baisse des résultats mais le taux de distribution passe  donc de 25% sur l’exercice 2013-2014 à 84% sur l’exercice 2015-2016. Concernant sa dette financière, le groupe est soumis à un covenant « Dette financière nette ajustée/EBITDA ajusté » qui doit être égal ou inférieur à 3,00 au 31 août 2016 et à la clôture des exercices suivants. Il s’établissait à 2,90 fin août 2015 et ce n’est que grâce à l’émission d’un emprunt hybride, comptabilisé en fonds propres,  qu’il est redescendu à 2,55 fin août 2016. Proxinvest recommande aux investisseurs responsables de ne pas créer de pressions financières inutiles à court terme sur les covenants en voulant à tout prix maintenir inchangé le dividende malgré des résultats en retrait significatifs sur les derniers exercices. La nouvelle proposition d’ouverture de l’option pour le paiement du dividende en actions est un premier signal qui indiquerait un niveau de dividende trop élevé puisque la société apprécierait en effet que certains des actionnaires se dispensent d’exiger le paiement du dividende en cash (elle offre d’ailleurs une décote pour inciter les actionnaires à ne pas prendre le dividende en numéraire). Second signal d’un dividende potentiellement trop élevé : l’émission de l’emprunt hybride pour se jouer de la définition des covenants est habile mais n’a pas été réalisée par plaisir. Il serait donc préférable tout d’abord que la société affecte sa trésorerie excédentaire au remboursement de cet emprunt hybride avant de songer à maintenir son dividende ou à proposer des résolutions de rachats-annulation d’actions. Proxinvest recommande donc de s’opposer aux résolutions 3,4,6 et 14 relatives au dividende et rachat-annulations d’actions. L’exemple récent de Solocal nous montre à quel point mieux vaut éviter de s’enfoncer dans la spirale de la dette, même pour les entreprises bénéficiaires.

En matière de rémunération, l’attribution d’actions gratuites pourra choquer certains actionnaires alors que l’exercice est décevant et on regrettera l’absence d’une formule réellement lisible sur les conditions de performance, les objectifs à atteindre n’étant pas communiqués. Il convient de souligner  toutefois deux progrès qui corrigent certains défauts signalés par le passé par Proxinvest portant sur une durée de mesure de la performance sur trois ans contre deux ans précédemment et les indicateurs de performance qui ne sont plus les mêmes que celui utilisé pour le bonus annuel, comme c’était jusqu’alors le cas. L’absence de bonus annuel est appréciable et  logique au regard des résultats.

Une chose est sûre, le conseil de surveillance de Zodiac doit jouer son rôle pour aider le groupe à retrouver sa crédibilité auprès des clients et de la communauté financière. Un rafraîchissement du conseil y aiderait. Ce n’est rien moins que la capacité de création de valeur du groupe qui est en jeu dans ces années charnières…


L’étude de Proxinvest sur l’assemblée générale de Zodiac (30 pages) est disponible pour les abonnés sur le site client de Proxinvest ou en téléchargement payant depuis la plateforme de notre distributeur ResearchPool

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