La prestigieuse sénatrice démocrate Elisabeth Warren  accuse en commission du Sénat la présidente de la SEC d’avoir agi à l’inverse de sa mission première qui est de protéger les investisseurs.

Elisabeth Warren, surnommée par le F.T. le shérif de Wall Street, demande au président Obama la tête de la présidente de la SEC qu’il a nommée, May-Jo White, en raison du lancement par celle-ci d’une initiative sur l’excès d’information des sociétés pour les épargnants et d’une volonté de bloquer les déclarations de dépenses politiques des sociétés.

La sénatrice soutient que la présidente de la SEC s’est saisie d’elle-même de la suppression d’informations sur la seule inspiration de la chambre de commerce nationale américaine souhaitant « réduire le poids de l’information, pour la meilleure protection des investisseurs ».

Mais dit la sénatrice « Si je suis aussi opposée aux redondances et de même favorable à une information efficace, je n’avais jamais entendu le concept de surinformation des actionnaires… et jamais votre commission de protection des épargnants ne vous a saisi d’un tel problème. »

Dans une lettre ultérieure au Président Obama elle souligne le refus de Mary-Jo White de faire rendre public les contributions politiques malgré le soutien généralisé pour une telle publication.

 

Cette affaire nous rappelle ici en France le triste recul du contrôle des commissions réglementées, et le récent rapport Hanus, dit de simplification de l’information, présenté en décembre 2015, qui visait, dans le même sens de la simplification, à la suppression du Rapport du Président sur les procédures de contrôle interne et de gestion des risques et des missions d’audit corrélatives. Elle nous donne l’occasion de poser la question ici à l’AMF de l’évolution de ce projet que Proxinvest avait alors commenté (ci-dessous) .

 

 

17 octobre 2016

 

 

Commentaire de Proxinvest sur le Rapport de l’AMF sur le rapport du Président sur les procédures de contrôle interne et de gestion des risques

 

Le rapport du groupe de travail de l’AMF sur le rapport du président sur les procédures de contrôle interne et de gestion des risques, présidé par Monsieur Jean-Claude Hanus, est le bienvenu.

 

On déplorera toutefois une nouvelle fois que la composition du groupe de travail reflète une certaine faveur de notre Régulateur pour les préoccupations des émetteurs. En effet, hors les représentants de l’AMF et de l’administration, un seul membre sur douze membres , Monsieur Bernard Camblain , peut dans ce groupe être qualifié de représentant des investisseurs, face aux représentants de cinq sociétés cotées, de trois sociétés d’audit, de deux représentants d’une association de conseil aux entreprises sur le risque ERM–AMRAE et enfin d’un avocat d’affaires. S’il est clair que le groupe de travail ait pu s’appuyer sur l’expérience des émetteurs, il semble moins acquis comme annoncé au point 1.2 qu’il vraiment ait « su s’appuyer sur l’expérience des investisseurs ».

 

Il reste que ce groupe de travail a retenu quelques heureuses pistes de simplification, même s’il n’en a pas exploré tous les inconvénients. La présente note revient donc sur l’examen du problème posé, et retient la plupart des orientations du groupe de travail de l’AMF toute en en proposant une voie alternative assurant le maintien d’un regard externe plus indépendant sur cette information importante des sociétés.

 

 

 

 

Les faiblesses confirmées du contenu de l’information du rapport du Président 

Le groupe de travail, à juste titre, souligne les graves faiblesses de l’information contenue dans les rapports consacrés aux procédures de contrôle interne, à la gestion des risques et à la gouvernance. S’il ne livre pas d’exemples concrets, il ne se contente pas d’observer les fréquentes redondances, il souligne aussi le beaucoup plus grave manque de lisibilité et de pertinence desdits rapports, la faible description des procédures enfin la présentation peu évolutive des informations.

Le groupe de travail évoque au passage l’absence de toute sanction en cas de défaut d’établissement desdits rapport, et l’absence de responsabilité du président qui n’assure que l’existence même du rapport, «  constater des faits et à les décrire », le laissant libre de déterminer le degré de précision et la longueur de sa description.

L’expérience des épargnants et investisseurs, les observations régulières des analystes financiers et agences de conseil de vote ne font que confirmer ces appréciations du groupe de travail.

Ces derniers observent régulièrement des incohérences quant aux déclarations sur la gouvernance du conseil et sa conformité aux recommandations des codes de référence: ces incohérences touchent par exemple souvent les questions de choix du mode de gouvernance moniste ou dual, de l’indépendance du conseil ou de membres individuels.

Parmi les risques de l’entreprise présentés au rapport, la description des litiges en cours laisse, elle, souvent à désirer lorsque ceux-ci, même publiquement instruits et jugés par les tribunaux, n’apparaissent pas, de même lorsque la société fait l’objet d’une procédure de sanction devant l’AMF, laquelle ne semble d’ailleurs pas sanctionner cette omission…

Enfin, une troisième catégorie d’insuffisances fréquentes concerne les éléments d’information ISR souvent inclus dans le rapport du président, dont les ambitions écologiques ne répondent pas aux conditions attendues de bonne lisibilité sinon de sincérité.

En raison du caractère privé et légitimement confidentiel des écritures et procédures des groupes il est évidemment exclu pour l’observateur, l’épargnant ou l’analyste de savoir jamais ce qui a été caché. Quant aux cabinets d’audit prestataires, on les sait particulièrement embarrassés pour faire noter quelques faits ou risques dont la révélation pourrait nuire à l’image de leur client, la société et de ses dirigeants. Il est au demeurant inversement tout aussi impossible de mesurer les divulgations qui ont pu être effectivement heureusement faites grâce à l’écriture du rapport du président et à l’intervention verbale des commissaires aux comptes.

Rappelons toutefois que le cumul fréquent d’activités de conseil hors certification des comptes fragilise grandement l’indépendance des commissaires aux comptes, comme l’ont souligné de nombreux observateurs à commencer par la Commission Européenne. Il est donc dans ce domaine extrêmement rare, le rapport du groupe de travail ne l’a pas indiqué, que le rapport établi par les commissaires aux comptes ne diverge du texte standard du « rapport sur le rapport du président ».

Rappelons ici, à titre d’unique référence citée, le cas ALSTOM : malgré des mises en causes graves de la société par la presse de 2012 à 2014 et plusieurs contentieux connus, le rapport des commissaires aux comptes sur le rapport du président, signé de deux grands cabinets (3) est resté dix ans inchangé pour ce groupe, ceci même après l’annonce fin 2014 d’une amende de 772 millions de dollars et la reconnaissance publique de responsabilité par son président, lequel y reconnaît l’absence un système satisfaisant de contrôles internes d’exécution des opérations, l’absence d’enregistrements comptables en conformité avec les principes, l’absence d’ une comptabilité d’actifs ainsi que d’un contrôle de disposition desdits actifs, etc(4)…

Est-ce assez dire que l’exercice d’autocontrôle du rapport du président laisse encore à désirer et que les actionnaires et épargnants ne semblent pas protégés contre les omissions graves et les contre-vérités.

 

(3) PricewaterhouseCoopers Audit et Mazars  Mazars, deux cabinets en poste depuis 6 ans chez Alstom, dont les honoraires hors audit ont représenté pour l’année 19,65% des honoraires de pure certification des comptes.  (4) La seule explication en français sur ces amendes apportée aux actionnaires dans le Document de référence 2014 d’Alstom figure brièvement  au chapitre des facteurs de risques: ” Ainsi, les manquements visés dans l’accord avec le DOJ « proviennent essentiellement de l’utilisation de consultants externes rémunérés par Alstom en fonction du succès des projets sur lesquels ils étaient retenus, en support des équipes commerciales internes. ”

 

On observe aussi que, si le Rapport du Président sur les procédures de contrôle interne et de gestion des risques d’Alstom s’est considérablement développé ces dernières années pour atteindre près de dix pages, il ne faisait aucune allusion à des manquements finalement admis par ailleurs, pas plus d’ailleurs que le Rapport des Commissaires aux Comptes établi en application de l’article 225-235 du Code identique et inchangé depuis dix ans.

Or, la sentence américaine acceptée par Alstom, ou “Plea agreement” (Case 3:14-cr-00246-JBA Document 5 Filed 12/22/14 Pages 2 et 3)[i][3]  nous indique que la société reconnait en 2014 avoir « manqué à la mise en place d’un système de contrôles internes suffisant pour apporter des assurances raisonnables quant à l’exécution des opérations en cohérence avec les autorisations spécifiques du management, que les opérations soient enregistrées comme il convient pour permettre l’établissement des comptes en conformité avec les principes comptables généralement acceptés et tout autre critère applicable aux comptes, que soit maintenu une comptabilité des actifs ainsi qu’une disposition desdits actifs en ligne avec l’autorisation générale ou spécifique du management, que les actifs  comptabilisés soit comparés aux actifs existants à intervalle régulier et que toute mesure soit prise pour pallier aux écarts éventuels. ”

Les Commissaires aux Comptes d’ALSTOM auront donc marqué leur parfaite solidarité avec le Président pour avoir dissimulé si longtemps aux actionnaires et au public l’absence d’un système satisfaisant de contrôles internes d’exécution des opérations, l’absence d’enregistrements comptable en conformité avec les principes, l’absence d’ une comptabilité d’actifs ainsi que d’un contrôle de disposition desdits actifs, l’absence de comparaison régulière des actifs  comptabilisés avec les actifs existants  comme de mesure pour pallier aux écarts éventuels !

 

Les avantages d’une procédure déclarative et d’une relecture spécifiques

La volonté d’améliorer les comportements par des obligations déclaratives plutôt que par des interdictions formelle est typique de notre époque de « comply or explain » : s’agissant de notions parfois complexes et instables, il est ainsi préféré, plutôt que de venir régenter les initiatives, de demander une action spécifique sur ces domaines du contrôle interne, de la meilleure gouvernance ou de la protection de l’environnement.

Face à un problème donné, la loi nous invite donc au déclaratif et à l’échange, avec l’espoir raisonnable que le bon comportement finira par l’emporter.

Sur l’origine de ce rapport dit « du président » le groupe de travail de l’AMF rappelle justement que l’intention du législateur était bien de faire en sorte que « le rôle et les prérogatives des mandataires sociaux soient mieux connus par les actionnaires et favorisent en conséquence, la responsabilisation des administrateurs ». De même, la mission du commissaire aux comptes sur le rapport du président permet de porter à une meilleure intégrité du discours, le commissaire aux comptes devant à minima relire la prose du dirigeant sur ces questions et apprécier la sincérité de certaines des informations contenues dans ledit rapport5. Il en est ainsi du « rapport joint » du président, sur la gouvernance et la politique de rémunération, dont la non-production n’est pas sanctionnée, mais qui force toutefois à examiner distinctement ces questions autrefois occultées ou non discutées…

Une signature spécifique du président avait à l’époque semblé utile : le groupe de travail propose de l’abolir et de reporter cette information dans le rapport de gestion. La proposition, si elle ne modifie pas la question de la responsabilité, mettra donc fin la plus forte mobilisation du président et des commissaires aux comptes résultant de la production d’un rapport distinct.

Il en est de même de la signature spécifique obligatoire des commissaires aux comptes: l’avantage d’une signature spécifique des commissaires aux comptes pour leur « rapport sur le rapport », signature distincte des rapports de certification sociale et consolidée, est pourtant de permettre à la société de voir ses comptes bien certifiés et de continuer de fonctionner même en cas de grave faiblesse du contrôle interne et de la maitrise des risques.

Il est certes, on l’a dit plus haut très rare de voir diverger le texte des commissaires dans leur « rapport sur le rapport »…Est-ce pour autant un exercice vain ? Certes, l’absence de sanction de l’AMF dans certains cas d’information douteuse relevés par les investisseurs, tels que présentés plus haut, laisse à espérer que les commissaires aux comptes concernés, auraient obtenu  au moins en privé, des résultats et démontré au régulateur leur mobilisation et son impact.

 

( 5) Il appartient au Président d’établir et de soumettre à l’approbation du conseil d’administration un rapport rendant compte des procédures de contrôle interne et de gestion des risques mises en place au sein de la société et donnant les autres informations requises par l’article L. 225-37 du Code de commerce relatives notamment au dispositif en matière de gouvernement d’entreprise. Il nous appartient : . de vous communiquer les observations qu’appellent de notre part les informations contenues dans le rapport du Président, concernant les procédures de contrôle interne et de gestion des risques relatives à l’élaboration et au traitement de l’information comptable et financière, et . d’attester que le rapport comporte les autres informations requises par l’article L. 225-37 du Code de commerce, étant précisé qu’il ne nous appartient pas de vérifier la sincérité de ces autres informations. Les normes d’exercice professionnel requièrent la mise en œuvre de diligences destinées à apprécier la sincérité des informations concernant les procédures de contrôle interne et de gestion des risques relatives à l’élaboration et au traitement de l’information comptable et financière contenues dans le rapport du Président. Ces diligences consistent notamment à : . prendre connaissance des procédures de contrôle interne et de gestion des risques relatives à l’élaboration et au traitement de l’information comptable et financière sous-tendant les informations présentées dans le rapport du Président ainsi que de la documentation existante ; . prendre connaissance des travaux ayant permis d’élaborer ces informations et de la documentation existante ; . déterminer si les déficiences majeures de contrôle interne et de gestion des risques relatives à l’élaboration et au traitement de l’information comptable et financière que nous aurions relevées dans le cadre de notre mission font l’objet d’une information appropriée dans le rapport du Président. Sur la base de ces travaux, nous n’avons pas d’observation à formuler sur les informations concernant les procédures de contrôle interne et de gestion des risques de la société relatives à l’élaboration et au traitement de l’information comptable et financière contenues dans le rapport du Président du conseil d’administration, établi en application des dispositions de l’article L. 225-37 du Code de commerce

 

 

Que retenir des propositions du groupe de travail de l’AMF ?

 

Sur l’inventaire des risques le groupe de travail critique le nombre élevé (une vingtaine) de type de risques recensés et exposés, la pauvreté du contenu, à peine et parfois non-évolutif. Il recommande aux sociétés de  limiter leur revue aux seuls risques pouvant avoir des effets significatifs sur l’activité de l’émetteur (6).

 

Il ne nous semble pourtant pas satisfaisant de ne s’en remettre qu’au jugement de l’émetteur dans ce domaine. Certains risques de l’entreprise sont publiquement reconnus et discutés, comme en matière environnementale ou en matière de litiges judiciaires : l’émetteur ne saurait alors les omettre de son inventaire. Ceci est particulièrement évident lorsque le risque ou le litige rencontré par la société est dejà une information publique. Le groupe de travail pourrait sur ce point exiger ou proposer des règles précises en matière de reprise obligatoire de l’information publique existante sur les débats et litiges en cours le concernant.

 

 

Face à, la pluralité des supports conduisant à diverses occurrences d’informations similaires sur les risques, le contrôle interne et la gouvernance, ce groupe de travail recommande donc de supprimer (Proposition n°1) le rapport du président sur les procédures de contrôle interne et de gestion des risques et par voie de conséquence la mission et le rapport spécial des auditeurs portant le nom « Rapport des commissaires sur le rapport du Président ». Par sa Proposition n°3 il propose aussi de transférer à l’identique la partie du rapport joint du président prévu aux articles L.225-37 et L.225-68 du code de commerce comprenant les informations relatives à la gouvernance et à la politique de rémunération:

 

Il s’agit donc de retirer l’exigence actuelle de rapports spécifiques sur les quatre domaines indiqués.  La fusion recommandée permet selon le groupe de travail, de supprimer des redondances ; mais s’il est clair que les redondances abondent dans le document de référence, elle ne semble pas être toujours le fait de l’existence desdits rapport du président, rapport spécifique ou joint : il appartient d’abord aux sociétés, dans l’intérêt de la lisibilité, d’éviter certaines redondances. D’autres penseront que ces redondances, inévitables, constituent un prix acceptable à payer pour un meilleur effort  de la société dans chacun de ces domaines.

 

 

On conviendra ici avec ce groupe de travail de l’AMF que le rapport de gestion est le « réceptacle naturel » des informations relatives à la description des principaux risques et des principales caractéristiques des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques de l’entreprise, et de gouvernance et de la rémunération, informations qui sont aujourd’hui présentées dans des rapports « ad hoc » du président. On ne peut aussi que rejoindre le groupe de travail lorsqu’il indique vouloir maintenir les diligences des commissaires aux comptes qui sont faites aujourd’hui sur ces informations, notamment en application de leur NEP 9505.

 

Il reste que l’intégration des quatre sujets dans le rapport normal du conseil ou du directoire ne manquera pas de créer une forme de dilution des problèmes afférents à ces matières.

Il apparaît donc ici souhaitable de rappeler que les transferts proposés au Propositions 1 et 3 du groupe de travail se fassent dans quatre chapitres parfaitement distincts du rapport annuel : contrôle interne, gestion des risques, gouvernance et rémunération des dirigeants.

 

(6) On retiendra la recommandation d’inclure :  – une description du risque identifié et ses liens avec l’activité de l’émetteur ;  – les mesures de prévention et de suivi associées, en considérant l’horizon de temps   (risques ponctuels vs risques récurrents) avec la nature des mesures de prévention: mesure opérationnelle de maitrise, recours à l’assurance, contrôle interne, Plan de continuité d’activité, gestion de crise…).  – éventuel impact chiffré et financier sur les résultats, le volume d’activité, le patrimoine   – une analyse de sensibilité pour certains risques (par exemple : risque de change significatif)    Autre  recommandation à retenir,  la présentation dynamique des évolutions évolution de la probabilité d’occurrence ou des effets attendus)

 

Il faut remplacer le Rapport sur le rapport par un Rapport spécifique de certificateur indépendant

 

La Proposition 2 du groupe de travail nous propose « par symétrie » de supprimer le rapport des commissaires aux comptes sur le rapport du président du conseil. Cet allègement retire une mission spécifique actuelle des commissaires aux comptes sur le contrôle interne et la maitrise des risques : or, on a vu plus haut,  une procédure spécifique est d’autant plus efficace lorsqu’elle mobilise une personne tierce à l’entreprise, a fortiori une personne vraiment indépendante. L’argument de la « symétrie » ( ?) semble donc bien faible pour justifier une telle réforme des missions de certification externe actuelles.

Le groupe de travail se contente de demander que le rapport d’audit des commissaires aux comptes contienne un paragraphe spécifique reprenant les observations qui figurent aujourd’hui dans leur rapport sur le rapport du Président du conseil.

En l’absence d’une procédure distincte, ce travail de contrôle des commissaires aux comptes sera-t-il du même niveau ? L’expérience des épargnants et analystes dans ce domaine, comme dans l’exemple présenté plus haut, est certes que les diligences des commissaires aux comptes restent encore insuffisantes, alors que le rapport du président contient, de temps à autres, certaines contre-vérités que ne relève pas le Rapport sur le rapport…L’information sur la gouvernance ou sur les rémunérations contient, elle aussi parfois des approximations, omissions ou même contre-vérités que la menace d’une procédure de relecture par chaque commissaire aux comptes est de nature à décourager.

La suppression de la mission spécifique actuelle de vérification par un tiers extérieur à l’entreprise ne va donc, à nos yeux, pas du tout dans le bon sens. En sus du risque désormais possible de confusion des matières dans le rapport général, la disparition totale d’une procédure distincte sur l’information extra-financière comportant rendez-vous annuel avec le regard externe de l’auditeur ne pourra, que diluer les responsabilités et encourager l’autopromotion hagiographique, sinon l’information trompeuse.

S’il convient de garder au moins une procédure spécifique, c’est donc moins l’établissement de rapports distincts que la procédure d’audit externe sur ces quatre questions : il nous semble qu’il faut vraiment maintenir un rapport d’audit externe sur ces importantes matières extra-financières.

 

Dans le contexte de la transposition de la Directive Audit il est apparu à tous que l’indépendance des commissaires aux comptes était un impératif majeur de l’intégrité et de la qualité de l’information des sociétés. Rappelons que malgré l’interdiction faite par l’article L. 822-11 II « de fournir à la personne ou à l’entité qui l’a chargé de certifier ses comptes, ou aux personnes ou entités qui la contrôlent ou qui sont contrôlées par celle-ci au sens des I et II du même article, tout conseil ou toute autre prestation de services n’entrant pas dans les diligences directement liées à la mission de commissaire aux comptes » le poids des prestations hors travaux de certification pure atteint, dans le CAC 40, 24% des honoraires de certification pure. Ceci est dû à l’exemption dont bénéficient les commissaires affiliés à un réseau national ou international aux termes du second alinéa du même article7.

 

Il est aussi apparu lors de ce débat sur la Directive Audit que tout devrait être entrepris pour assurer une plus grande indépendance de l’intervention des commissaires aux comptes et une concurrence plus ouverte aux petits cabinets de certification.

Dès lors, nous recommandons ici de maintenir tout en la modifiant la procédure actuelle du rapport distinct des commissaires aux comptes sur les matières du rapport du président : il convient de remplacer l’intervention de deux commissaires titulaires par un nouveau rapport spécial de certification externe indépendante sur cet ensemble d’informations non-financières de la société réunies en quatre chapitres: les risques, le contrôle interne, la gouvernance et la rémunération, ce vérificateur indépendant n’effectuant aucune mission de conseil pour le groupe.

 

(7 )« Lorsqu’un commissaire aux comptes est affilié à un réseau national ou international, dont les membres ont un intérêt économique commun et qui n’a pas pour activité exclusive le contrôle légal des comptes, il ne peut certifier les comptes d’une personne ou d’une entité qui, en vertu d’un contrat conclu avec ce réseau ou un membre de ce réseau, bénéficie d’une prestation de services, qui n’est pas directement liée à la mission du commissaire aux comptes selon l’appréciation faite par le Haut Conseil du commissariat aux comptes en application du troisième alinéa de l’article L. 821-1. »

 

 

Afin de mettre fin aux trop fréquents conflits d’intérêt générés par le cumul de missions diverses de conseil des commissaires aux comptes, il serait ici exigé que ce nouveau rapport spécial de certification externe soit signé par un certificateur externe, éventuellement même commissaire aux comptes titulaire de la société, mais, dans cette hypothèse, n’effectuant aucune mission de conseil non liée à la certification des comptes.

 

Conclusion

En réorganisant et simplifiant les procédures d’information et d’audit sur ces questions de nature extra-financière, ce groupe de travail de l’AMF peut donner l’opportunité de faire progresser tout à la fois l’indépendance des commissaires aux comptes et la concurrence plus ouverte parmi les acteurs de la certification, donc l’intégrité de l’information destinée au marché. 

L’innovation utile serait ainsi de laisser aux commissaires aux comptes leur pleine responsabilité générale sur les comptes, sur l’intégrité de l’information financière et extra –financière, tout en assurant qu’un regard externe valide l’inventaire fait dans son rapport par la direction de l’entreprise sur les risques, le contrôle interne, la gouvernance et la rémunération. 

 

 

11 décembre 2015

 

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