projet-de-loi-sapin-2Députés et sénateurs sont réunis à partir de ce mercredi 14 septembre en Commission mixte paritaire au sujet des discussions sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Loi Sapin 2.

Que ce soit dans la version adoptée par l’Assemblée Nationale le 10 juin 2016 ou dans la version du Sénat adoptée le 8 juillet 2016, il apparaît que le projet de Loi s’intéresse désormais à la question des droits et responsabilités des actionnaires en assemblée générale. Le Forum de l’Investissement responsable (FIR), dont Proxinvest est membre, a d’ores et déjà pris une position publique en faveur du vote annuel contraignant des actionnaires en assemblée générale sur les rémunérations des dirigeants tel qu’adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale. Proxinvest se mobilise également en écrivant aux membres de la Commission pour les inviter à adopter ce vote annuel contraignant sur la rémunération des dirigeants et à abandonner le projet de réforme de la comptabilisation des abstentions en assemblée générale.

 

  • Vote des assemblées générales d’actionnaires sur la question de la rémunération des mandataires sociaux dirigeants de sociétés cotées

Il n’aura échappé à personne que la saison 2016 des assemblées générales aura été marquée par une opposition d’une majorité des voix des actionnaires face aux rémunérations de Carlos Ghosn (Renault) et de Patrick Kron (Alstom). Alors qu’un nombre grandissant d’investisseurs adopte des politiques d’actionnaires responsables, notamment à travers l’exercice vigilant des droits de vote, il est choquant de constater que l’assemblée générale n’est pas souveraine et compétente pour empêcher les rémunérations les plus abusives.

Aussi Proxinvest  invite la Commission mixte paritaire à adopter le texte de l’article 54 bis adopté en première lecture le 10 juin 2016 par l’Assemblée Nationale qui introduit un vote annuel contraignant de l’assemblée générale sur les rémunérations. Cet excellent texte permet d’offrir au conseil d’administration ou de surveillance, en pratique généralement secondé par son comité des rémunérations, le rôle clé de préparation de la décision relative aux rémunérations tout en l’obligeant à rendre mieux compte de la performance du dirigeant et à obtenir la validation de l’assemblée générale.

Il n’est en tout cas pas tolérable de maintenir un système dans lequel des administrateurs passent outre l’avis de leurs propres actionnaires et la démocratie d’entreprise ne peut gagner à une meilleure responsabilité des instances de gouvernance sur les questions de rémunération.

 

  •  Comptabilisation de l’abstention lors des assemblées générales

Un second sujet est apparu cet été lorsque le Sénat a décidé de modifier l’article 46 bis du projet de Loi Sapin 2 afin que les votes abstentions ne soient plus considérés comme des votes exprimés. Proxinvest demande à la Commission mixte paritaire d’abandonner ce projet.

Jusqu’alors en France, une résolution en assemblée générale devait recueillir une majorité des voix exprimées pour être adoptée. Ainsi en droit français l’abstention est considérée comme un vote contre. Il permet aux investisseurs le jour de l’assemblée d’exprimer une petite nuance dans leur niveau de contrariété.

Déjà en 2012, Proxinvest et les gérants d’actifs avaient exprimé leur opposition au fait de ne plus comptabiliser l’abstention comme un vote négatif. Pierre Bollon, délégué Général de l’Association Française de la gestion Financière (AFG) déclarait ainsi au journal Les Echos le 16 avril 2012 « Cela aurait pour effet mécanique d’améliorer artificiellement le score des résolutions, et pourrait même inciter certains à s’abstenir au lieu de voter non ».

Certes dans certains pays l’abstention n’est pas considérée comme un vote et n’est donc pas comptabilisé, par exemple dans la Loi anglaise. Ces expériences ne sont pas heureuses. A l’AG de BP cette année, les quatre administrateurs membres du comité des rémunérations ont reçu plus de 280 millions d’abstentions, soit beaucoup plus que les votes négatifs.  Communiquer un taux d’opposition de seulement 1% ou 2% est alors trompeur par rapport au niveau réel de mécontentement des actionnaires qui n’ont pas apporté leur soutien aux candidats. Lors de l’assemblée générale de SHIRE PLC, le rapport sur les rémunérations n’a été adopté par une majorité des voix (50,55%) que parce que les votes d’abstention n’y sont pas comptabilisés.   De même dans les sociétés qui ont adopté le statut de société européenne (Societas Europaea, SE) qui ne comptabilisent déjà plus les abstentions : les plans d’actions gratuites pour les dirigeants d’Atos et de Teleperformance n’ont été adoptées cette année que parce que les votes d’abstention n’y sont plus comptabilisés.

Une telle réforme sur les règles de majorité ne peut donc être menée sans avoir préalablement consulté les différents investisseurs. A ce stade, au regard des exemples cités ci-dessus, Proxinvest voit dans ce changement législatif une manœuvre pour simplifier la vie des dirigeants d’entreprise, étouffer l’expression d’un mécontentement et faciliter l’adoption de résolutions pernicieuses. Le nombre de résolutions rejetées en assemblée générale est pourtant déjà très faible… Le conseil d’administration et les dirigeants ne devraient-ils pas plutôt réussir à convaincre une majorité des voix plutôt que d’essayer d’obtenir ce genre de victoires par défaut ?

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