Proxinvest a dû s’exiler hors du coeur de Paris  pour assister à l’assemblée générale d’Havas ce 10 mai 2016. En effet depuis le putsch de 2005 de Vincent Bolloré face aux équipes d’Alain de Pouzilhac, l’AG a lieu dans les locaux d’Havas à Puteaux. Vincent Bolloré entretient sa réputation de contrôleur de gestion redoutable, quelques économies de location de salle sont bonnes à prendre, mais aussi malheureusement d’un intérêt très modéré pour les actionnaires minoritaires.

Découragés, peu d’actionnaires font le déplacement, peut-être une centaine dans la salle. En ajoutant les actionnaires votant par correspondance, Havas affiche un nombre de participants au vote très faible, 364 personnes. Les modalités de vote y sont encore archaïques, les actionnaires doivent remplir une feuille manuelle et la société préfère ensuite renvoyer ses actionnaires chez eux sans leur annoncer les résultats de vote. La comptabilisation manuelle prend en effet trop de temps! On comprend ainsi vite face à un groupe qui pèse tout de même 3 Mds€ de capitalisation boursière que le souci de l’attractivité des petits actionnaires n’est pas une priorité.

Autre illustration du peu d’intérêt pour l’attractivité actionnariale, avec un investissement économique correspondant à 60% du capital, le jour de l’AG, le groupe Bolloré pèse en réalité 72,6% des actions présentes et représentées et désormais 80% des droits de vote exercés. Le groupe familial Bolloré a en effet profité de la Loi Florange pour obtenir désormais un droit de vote double. Ainsi 133 217 535 droits de vote supplémentaires ont été attribués au groupe Bolloré selon sa dernière déclaration à l’AMF du 7 avril 2016. Ceci traduit aussi une dilution massive en droits de vote des autres actionnaires, par exemple la société de gestion Fidelity, second actionnaire du groupe, aujourd’hui opposé à ce truquage des scrutins, mais qui a, pour raisons commerciales, trop longtemps consenti à cette complaisance.

Depuis le 30 Août 2013, Vincent Bolloré a laissé le siège de Président à son fils Yannick Bolloré, désormais Président Directeur Général. Fier de l’agilité du groupe et de ses talents, le besoin de protection paternelle se fait encore sentir lorsque Yannick Bolloré mentionne que Publiccis « est plus gros que nous » et qu' »en ayant un actionnaire majoritaire … qui nous permet de ne pas être racheté par un plus gros ». D’ailleurs la non-suspension des autorisations financières en période d’offre publique, plutôt contestées par les minoritaires en résolutions 17 à 19, illustre ce besoin de protection managériale.

Cette protection paternelle de Vincent Bolloré a joué à plein lors du vote consultatif sur la rémunération de son fils. Habillé de sa réputation d’actionnaire intraitable, Vincent Bolloré se montre ici beaucoup plus clément que les autres actionnaires d’Havas sur la rémunération de son fils. Le score d’approbation de 85,5% semble faible pour une société aussi contrôlée. Pire, si l’on isole le vote des seuls actionnaires minoritaires, ce sont 73% des voix des actionnaires minoritaires qui se sont exprimées contre la rémunération totale de 1,7 M€ de Yannick Bolloré.

Il faut reconnaître que leur opposition à 67% l’année dernière n’a provoqué aucun progrès et Proxinvest avait recommandé aux investisseurs de s’opposer pour plusieurs raisons. La transparence demeure tout d’abord loin des standards du SBF 120 et le conseil  ne communique pas pas les taux de réalisation des différents critères de performance utilisés pour le bonus annuel et les actions gratuites. Quant à la formule de bonus, l’analyste de Proxinvest alertait ses clients sur le fait que l’atteinte de seulement deux critères sur quatre suffisait pour avoir 100% du variable…

Contrairement aux actionnaires minoritaires, l’actionnaire familial paternel Vincent Bolloré et le conseil d’administration semblent faire état, sur le sujet de la rémunération de Yannick Bolloré, d’une tendre faiblesse. La Loi Florange visait à récompenser l’actionnariat de long terme. En offrant un droit de vote double aux seuls actionnaires au nominatif, l’intention initiale est  détournée pour contourner la démocratie d’entreprise, notamment sur le sujet de la rémunération des dirigeants.

 

Vous trouverez ci-dessous le compte-rendu de la séance des questions-réponses et les résultats de vote.

Havas – Assemblée générale mixte

Le 10 mai 2016 – 29/30 quai de Dion Bouton à Puteaux (92800)

 

 

Taux de participation : 82,59%

 

Nombre d’actionnaires présents dans la salle : environ 100 personnes

 

Nombre d’actionnaires participant au vote : 364

 

Contexte stratégique, points sur lesquels le PDG a insisté :

 

Yannick Bolloré, PDG d’Havas, déclare que 2015 a été une année de forte croissance. « Nous sommes dans le peloton de tête des groupes de communication mondiaux qui croissent le plus vite, ce qui traduit la bonne santé de nos affaires ». Tous les indicateurs sont en croissance : le résultat opérationnel courant, la marge opérationnelle, le résultat net part du groupe, et la trésorerie nette.

 

L’année 2015 a été un record en matière d’acquisitions : Havas a fait treize acquisitions réparties sur l’ensemble des continents, pour un montant de 100 millions d’euros.

 

La croissance organique et les nombreuses acquisitions impliquent une augmentation des effectifs : au 31 décembre Havas compte 18 600 personnes soit 3 000 de plus qu’il y a deux ans. Cette augmentation va se poursuivre : « d’après nos prévisions il n’est pas impossible qu’au cours de l’année 2016 nous passerons le cap des 20 000 collaborateurs ».

 

Pour Yannick Bolloré, le plus important reste la créativité : « nous sommes très heureux de voir qu’années après années le nombre de prix créatifs que remportent les équipes d’Havas à travers le monde ne fait qu’augmenter pour dépasser les 1 100 cette année ».

 

Pour conclure, Yannick Bolloré se dit « confiant et serein » pour l’année à venir. Il affirme qu’Havas va continuer à améliorer sa marge opérationnelle.

 

 

Questions :

 

Les résultats sont bons mais la progression de la valeur de l’action est un peu moins bonne. Pouvez-vous expliquer cette divergence ?

 

François Laroze (Directeur financier) :

L’action a connu une bonne progression au cours des dernières années. Elle est montée à un niveau supérieur et ce n’était pas uniquement lié à l’environnement Havas. Elle dépend aussi de l’environnement global de la communication. Aujourd’hui nous estimons qu’elle est bien valorisée et qu’elle a encore un potentiel de hausse si les perspectives de croissance sont atteintes.

Yannick Bolloré :

Si vous regardez les multiples de valorisation, vous vous apercevez qu’Havas est l’une des sociétés qui a le meilleur multiple. Cela prouve que les observateurs, les investisseurs et les analystes estiment que la société Havas a un potentiel de croissance parmi les plus élevés du secteur, de par son positionnement, sa stratégie, et les équipes en place.

 

Pouvez-vous détailler le montant des earn-out et des buy-out ? Comment justifiez-vous leur augmentation d’une année sur l’autre ? Quelles sont les échéances moyennes ?

 

François Laroze :

Nous n’allons pas vous les détailler car cela représente une quarantaine de ligne. Tout est dans le document de référence. L’augmentation est liée au fait que nous ayons procédé à beaucoup d’acquisitions en 2015, et que pour la plupart de ces acquisitions, nous ne sommes acquéreur que d’une majorité entre 50 et 60%. Le reste du capital fait l’objet d’earn-out et de buy-out. Comme nous avons acheté plus de sociétés cette année que les années passées, nous avons un montant d’earn-out et de buy-out qui a augmenté.

Les échéances moyennes sont de quatre ans.

Comment expliquez-vous l’augmentation des jetons de présence ?

 

François Laroze :

Cela est lié au nombre de conseils puisque les jetons de présence sont versés par séance

 

Vous avez 1,3 milliard d’euros de réserves distribuables. Que comptez-vous en faire ?

 

François Laroze :

Nous avons une politique de dividende qui est déjà appréciée puisque l’on affecte plus du tiers de notre résultat au dividende. Nous avons une progression très régulière, cela fait deux années de suite que l’on augmente très significativement le dividende avec 18% l’année dernière et 15% cette année. Nous sommes contents d’avoir des réserves distribuables tout en maintenant une rémunération satisfaisante pour les actionnaires.

 

Comment vous situez-vous par rapport à Publicis ?

 

Yannick Bolloré :

Publicis a beaucoup grossi ces dernières années puisqu’ils ont acheté beaucoup de sociétés. Aujourd’hui ils sont plus gros que nous alors qu’ils étaient plus petits que nous il y a quinze ans. Etant plus gros, ils ont un revenu plus important. Mais si vous regardez la croissance organique sur les deux dernières années, Havas a fait un peu mieux. Le fait d’être un peu moins gros tout en étant mondial permet de nous adapter un peu plus vite et d’être plus proches.

Havas est un groupe de créativité, il faut donc faire attention. Je ne dis pas que le fait d’être trop gros est un frein à la créativité, mais il faut permettre de créer des écosystèmes qui font que les gens continuent à être créatifs et de dessiner de beaux logos pour remporter des appels d’offres.

Pour l’instant nous avons plutôt l’avantage depuis deux ans, ce qui n’a pas toujours été le cas. Publicis reste un groupe très pertinent et qui a de très beaux actifs et de beaux atouts. Mais depuis deux ans Havas est un peu mieux. Si vous regardez sur une période plus longue, cela dépend. Havas est plutôt dans une phase ascendante.

 

Pouvez-vous nous donner la répartition du capital ?

 

Yannick Bolloré :

Le groupe Bolloré détient 60% d’Havas. Il en possédait 30% il y a 18 mois, mais le groupe Bolloré a décidé de faire une offre publique d’échange l’an dernier, donc d’offrir des titres Bolloré contre des titres Havas. Cette offre a été très souscrite puisque 84% des actions se sont retrouvées dans les mains du groupe Bolloré à l’issue de cette offre. Le groupe Bolloré voulait juste être majoritaire dans le groupe Havas tout en lui laissant la possibilité de se développer, d’avoir des actionnaires et un flottant significatif pour continuer d’exister.

Le groupe Bolloré avait donc vendu 24% dans un ABB qui a été sursouscrit puisque les 24% du capital d’Havas avaient été sursouscrits 1,5 fois en moins d’une heure quinze, pour vous dire à quel point le titre Havas était très attractif pour les investisseurs.

Nous avons donc un actionnariat ouvert avec 40% de flottant, tout en ayant un actionnaire majoritaire qui nous permet de se développer de manière assez sereine et de ne pas risquer d’être acheté par un plus gros. Nous sommes dans une position assez idéale.

 

 

Résultats des votes :

 

Les actionnaires n’ont pas voté à partir de boîtiers électroniques mais manuellement sur une feuille.

Le dépouillement prenant trop de temps, les résultats des votes n’ont pas pu être communiqués lors de l’assemblée générale et ont été consultables sur le site internet d’Havas.   

 

1/ Approbation des comptes sociaux : les comptes présentent un résultat social de 155 294 211 € pour l’exercice. Approbation de dépenses non déductibles (articles 39-4 ou 223 quater du CGI) pour un montant de 61 422 €. 99,999%

 

2/ Approbation des comptes consolidés : les comptes présentent un résultat consolidé de 172 millions € pour l’exercice. 99,999%

 

3/ Affectation du résultat : dividende de 0,15 € par action. Mis en paiement le 13 juin 2016. 99,976%

 

4/ Option pour le paiement du dividende de l’exercice en actions. Prix de souscription non inférieur à 90% du cours de l’action. Durée de l’option comprise entre le 17 mai 2016 et 3 juin 2016 inclus. 99,083%

 

5/ Fixation de l’enveloppe annuelle des jetons de présence : le montant global des jetons de présence du conseil est fixé à 280 000 €. 99,801%

 

6/ Approbation de la convention approuvant le reclassement de la totalité des titres que la société détenait dans le capital de la société Havas 360. 99,841%

 

7/ Approbation de la convention approuvant le reclassement de la totalité de la participation que détenait Bolloré SA dans W&Cie. 90,631%

 

8/ Nomination de Marguerite Bérard-Andrieu comme administrateur pour une durée de 3 ans. 97,470%

 

9/ Nomination de Sidonie Dumas comme administrateur pour une durée de 3 ans. 98,902%

 

10/ Renouvellement du mandat de Yannick Bolloré comme administrateur pour une durée de 3 ans. 94,491%

 

11/ Renouvellement du mandat de Delphine Arnault comme administrateur pour une durée de 3 ans. 94,871%

 

12/ Renouvellement du mandat de Alfonso Rodés Vilà comme administrateur pour une durée de 3 ans. 98,973%

13/ Renouvellement du mandat de Patrick Soulard comme administrateur pour une durée de 3 ans. 95,294%

 

14/ Avis consultatif sur la rémunération individuelle de Yannick Bolloré, Président-Directeur Général. 85,524%

 

15/ Autorisation d’acquisition et de vente par la société de ses propres actions : autorisation portant sur 40 000 000 actions. Prix d’achat maximum : 9 €. Rachat exclu en période d’offre. Durée de l’autorisation : 18 mois. 99,994%

 

16/  Autorisation de réduction éventuelle du capital à hauteur de 10% du capital par période de 24 mois. Durée de l’autorisation : 18 mois. 99,841%

 

17/ Délégation de compétence en vue d’augmenter le capital par émission d’actions et/ou d’autres valeurs mobilières donnant accès au capital avec droit préférentiel de souscription : Opération plafonnée à 70 000 000 € en nominal (plafond commun avec les résolutions 18, 20 et 21). Montant maximum des émissions d’autres titres : 400 000 000 €. Opération possible en période d’offre publique. Durée de l’autorisation : 26 mois. 90,133%

 

18/ Autorisation d’augmentation du capital par incorporation de réserves, primes ou bénéfices : opération autorisée plafonnée à 70 000 000 € en nominal. Autorisation maintenue en période d’offre. Durée de l’autorisation : 26 mois. 93,088%

 

19/ Autorisation générale d’augmentation de capital en vue de rémunérer des apports en nature non spécifiés. L’autorisation porte sur 10% du capital social. Autorisation maintenue en période d’offre. Durée de l’autorisation : 26 mois. 91,647%

 

20/ Autorisation d’augmentation de capital par émission d’actions réservées aux salariés : s’élève à 3,00% du capital actuel. Prix d’émission des actions non inférieur à 80% du cours de marché. Durée de l’autorisation : 26 mois. 99,896%

21/ Autorisation d’augmentation de capital par émission d’actions réservées aux salariés : s’élève à 3,00% du capital actuel (plafond commun avec la résolution précédente). Prix d’émission des actions non inférieur à 80% du cours de marché. Durée de l’autorisation : 18 mois. 99,892%

 

22/ Attribution d’actions gratuites pour les salariés et mandataires sociaux dirigeants : autorisation portant sur 2,5% du capital social. Durée de l’autorisation : 38 mois. 89,412%

 

23/Pouvoirs pour les formalités liées à l’assemblée (dépôts, publicité…). 99,999%

 

 

 

Proxinvest est une société de conseil de vote aux investisseurs. Les études complètes de Proxinvest (« Lettre Conseil ») sur chaque assemblée générale sont diffusées par abonnement à ses clients et aux clients d’ECGS ou peuvent être commandées à l’unité sur les sites shop.proxinvest.fr (version française) et shop.ecgs.com (version anglaise).

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