La disparition  inattendue du PDG d’Eiffage, Pierre Berger, est une dure épreuve pour ce groupe de construction et travaux publics.  Son conseil d’administration vient de confier à l’ancien Président fondateur, l’impérieux Jean-François Roverato, 71 ans, l’intérim. C’est l’occasion de réfléchir avec Proxinvest et les membres de l’ECGS au plan de succession

L’absence du plan de succession chez Eiffage accuse ici une fois de plus, comme on l’a déploré chez Total, la non-conformité non reconnue des adhérents officiels au Code AFEP MDEF lequel stipule (1) «Le comité de sélection ou des nominations (ou un comité ad hoc) doit établir un plan de succession des dirigeants mandataires sociaux pour être en situation de proposer au conseil des solutions de succession notamment en cas de vacance imprévisible. Il s’agit là de l’une des tâches principales du comité, bien qu’elle puisse être, le cas échéant, confiée par le conseil à un comité ad hoc. »

Notons que l’« administrateur référent », autre recommandation dudit Code, était justement Jean-François Roverato, président d’honneur d’Eiffage, aucunement indépendant… La seule présence d’un vrai successeur désigné au PDG serait pourtant une protection utile contre les mauvaises surprises et les abus de pouvoir…

Les actionnaires d’Eiffage ont été longtemps victimes d’une gouvernance autoritaire, alors même que la succession du quasi-fondateur, ce charismatique Jean-François Roverato, s’était, en son temps, fait attendre avec une succession de pressentis successivement découragés… ceci jusqu’à la très heureuse découverte d’un entrepreneur extérieur au groupe, le regretté Pierre Berger.

Proxinvest conserve sa critique de cette gouvernance d’Eiffage, dont le protectionnisme s’accentuait sous encore avec l’introduction cette année du droit de vote double, agréé par la Caisse des Dépôts second actionnaire derrière les salariés avec 20% et bientôt 27% des droits de vote via Bpifrance Participations. Ajoutons un conseil d’administration peu indépendant ou la présence du fondateur restait essentielle, et qui demandait en 2015 l’allongement de trois à quatre ans de la durée du mandat de ces administrateurs…

Rappelons que la société ne permet pas à un actionnariat vivant de s’exprimer : le verrouillage de la holding des salariés, ou SICAVAS, par la direction du groupe grâce à des statuts mystérieux semble toujours d’actualité. L’affaire SACYR dans laquelle Proxinvest a reproché à l’époque  au PDG de faire un coup d’état contre ses actionnaires espagnols en les privant de droit de vote en assemblée, avec la complaisance de l’AMF, n’aura été que partiellement jugée à ce jour (*)…

 

Comme l’an dernier, la présentation de la rémunération de Pierre Berger par la société  ne communiquait ni le bonus cible, ni les pondérations des critères quantitatifs du bonus, ni les objectifs à atteindre… Bien que les montants en jeu et la structure de rémunération étaient acceptables, Proxinvest ne pouvait recommander l’approbation.

26 Octobre 2015

 

(*)Lors de l’assemblée de 2007 les droits de vote de Sacyr (30% des droits de vote) et de 89 autres actionnaires espagnols, dont Grupo Rayet (4,2%), dépassant de seuil du tiers du capital avaient été supprimés motu proprio par le président Roverato au motif d’une action de concert non déclarée. La Cour d’Appel avait bien confirmé le 2 avril 2008 l’existence d’un concert entre Sacyr et six autres actionnaires affirmé en 2007 par l’AMF dans sa décision sur la recevabilité de l’offre d’échange de Sacyr,  mais l’AMF n’avait pas alors retenu Grupo Rayet comme concertiste. A la demande de Grupo Rayet le tribunal de commerce de Nanterre le 6 mai  2008 a donc qualifié la décision du bureau d’Eiffage d’irrégulière car les voies légales disponibles n’avaient pas été mises en œuvre et a déclaré illégale la privation de droit de vote intervenue et annulé l’ensemble des décisions de l’Assemblée de 2007…

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