Les actionnaires comme les  salariés du groupe Total ont appris  avec émotion le décès de Christophe de Margerie,  Président-directeur général, avec trois autres victimes.

La disparition brutale d’un dirigeant charismatique et de grand  rayonnement a choqué la place de Paris. Elle est un  problème d’autant plus grave que la société se retrouve sans Directeur Général et sans Président pour son conseil d’administration. Les immenses qualités du disparu ne sauraient à cet égard faire valider cette anomalie de mélange de genres que constitue le cumul de deux fonctions pourtant bien distinctes, voire même antinomiques, dans les mains d’un seul homme : d’une part le rôle de Directeur Général, le vrai pilote du groupe en charge de la gestion opérationnelle et quotidienne, chargé de représenter la société vis-à-vis des tiers, des missions pour lesquelles les qualités naturelles de Christophe de Margerie font l’objet de toutes les éloges, et d’autre part le Président du conseil d’administration, dont le rôle est de surveiller le bon fonctionnement des organes de la société, d’organiser et de diriger les travaux du conseil , ce dernier ayant donc notamment le pouvoir mais aussi l’obligation de contrôler l’action de la direction générale (« Procéder aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns »).

Les limites d’âge statutaires sont supposés en théorie offrir  un calendrier permettant d’anticiper le processus de succession. En pratique, les tentations de prorogation de ces limites d’âge statutaires sont toutefois grandes et on ne peut a posteriori que regretter que l’extension à 67 ans ait été demandée chez Total (résolution 19 de l’AG 2014 adoptée à 87%) ou que le conseil n’ait pas nommé de Directeur Général Délégué ce qui aurait rassurer et offert de la visibilité sur le sujet. Il faut espérer que le conseil d’administration de Total, deuxième capitalisation boursière de la place de Paris et réputé pour son sens de l’organisation, avait prévu par son Comité de Gouvernance et d’Ethique les conditions d’une succession rapide suite à ce type d’accident,  hélas prévisible puisque personne  n’est irremplaçable. Le savoir-faire du personnel et la forte culture d’entreprise établie au sein du groupe permettent en tout cas de ne pas s’inquiéter pour la continuité managériale du groupe.  Il faut souhaiter que le conseil d’administration de Total jugera de bonne gouvernance de nommer un Président indépendant de la Direction Générale, autorisé à contrôler la direction générale tout en établissant un climat de confiance réciproque.

Christophe de Margerie a magnifiquement mis Total sur la voie de la modernité, en investissant par exemple dans l’énergie solaire (SunPower). Il restait pourtant encore à faire pour moderniser Total en matière de gouvernance et d’actionnariat populaire  qu’il faut regretter qu’il n’ait pas pu disposer de ses dernières années à la tête du groupe pour mettre en oeuvre ces réformes indispensables.

24 Octobre 2014

La dernière Lettre Conseil de Proxinvest sur l’AG 2014 de Total peut être commandée en ligne sur http://shop.proxinvest.fr/?ass=0100111904

Print Friendly, PDF & Email