Face aux échéances financières, la recapitalisation proposée à l’Assemblée Générale d’Euro Disney du 13 janvier 2015 (Lettre Conseil pouvant être commandée en ligne) semble nécessaire. La position conflictée de The Walt Disney Company (« TWDC ») auprès d’Euro Disney SCA, tiraillé par ses multiples rôles d’actionnaire principal, de créancier, de fournisseur, de gérant et d’associé commandité continue toutefois de gangrener sa filiale française .

Comme les précédentes restructurations, bien que différentes, cette recapitalisation ne saurait régler les problèmes originelles d’Euro Disney SCA, c’est-à-dire sa gouvernance (forme de commandite par action, multiples conflits d’intérêts de TWDC) et  endettement massif. Si ce plan apporte en partie une solution au problème d’endettement, en réduisant la dette de 1 747 M€ à 999,7 M€, et en repoussant le remboursement du principal en 2024, aucun progrès en matière de gouvernance n’est proposé. Dans un article publié le 18/12 sur le site des Echos, Julien Pillot, chercheur associé au CNRS, indique que la rente cumulée perçue par TWDC depuis l’ouverture du parc atteindrait 620 M€ non corrigés de l’inflation (voir aussi une contribution sur Forbes.com à ce sujet). Ce montant comprend la rémunération du gérant (12,9 M€ en 2014), les accords de licences (62,1 M€ en 2014) : 10% des revenus bruts générés par les admissions, les attractions, et les services annexes et les 5% des revenus bruts de merchandising.

En l’absence de progrès sur les relations entretenues par Euro Disney SCA avec TWDC, peut-être serait-il préférable pour l’intérêt de tous les actionnaires de voir l’entreprise opérer une réelle restructuration de sa dette, source de ses problèmes financiers. Chacune des restructurations entreprises durant les 20 dernières années a en effet permis de fournir une bouffée d’air au groupe mais toujours en différant le problème, sans jamais le régler définitivement. Malgré les efforts demandés aux actionnaires dans le cadre de la recapitalisation proposée, qui réduisent le fardeau de la dette de 750 M€, la dette restera supérieure aux fonds propres, et l’on peut craindre un nouveau volet de restructuration lorsque la dette arrivera à maturité. Un abandon partiel de créances de la part de l’actionnaire TWDC aurait été préférable. Il nous semble en effet que The Walt Disney Company, en tant que propriétaire de l’associé commandité (sa filiale EDL Participations SA) et ayant choisi les gérants successifs, porte une responsabilité particulière face à la rentabilisation des investissements et au problème de remboursement de la dette. Rappelons ici que sous ce statut spécial de Société en Commandite par Actions, il est prévu dans les statuts qu' » EDL Participations S.A, filiale de TWDC, soit le « seul associé commandité indéfiniment responsable de toutes les dettes et obligations de la Société ». TWDC a donc beaucoup plus à perdre que les actionnaires minoritaires d’Euro Disney et la voir accepter un simple report sans réels efforts via abandon de recettes ou de créances, tel que le ferait un actionnaire majoritaire classique au profit d’une filiale, reste choquant. Sans cet effort Euro Disney restera une caisse d’amortissement des royalties et autres redevances au profit de son actionnaire de référence et le problème d’endettement se représentera lorsqu’il faudra rembourser le principal de la dette.
Notons enfin que la créance est cédée à EuroDisney à sa valeur faciale alors que toute dette financière négociée sur une société présentant des difficultés financières se traite avec une importante décote. Si cette pratique débattue pourrait être acceptable sur le plan juridique, elle semble moins fondée sur le plan financier.

Un abandon par TWDC de ses créances nous aurait semblé plus logique et respectueux du statut d’associé commandité indéfiniment responsable des dettes assuré par sa filiale EDL Participations SA. A moyen terme, le problème de la gouvernance d’Euro Disney devra être régler afin qu’Euro Disney puisse au mieux négocier les conditions du Contrat de Licence qui vient à échéance en 2019 et alimente jusqu’alors la perte opérationnelle d’Euro Disney SCA : tant que la société aura le statut de Société en Commandite par Actions gérée par un gérant nommé par TWDC, les modalités de gouvernance ne permettront pas de renégocier le Contrat dans le seul intérêt d’Euro Disney SCA. Il faut stopper la confusion des genres en offrant une indépendance opérationnelle à Euro Disney  (comme pour le parc Disney de Tokyo qui fonctionne parfaitement depuis longtemps), à moins que TWDC préfère indemniser les actionnaires minoritaires en leur proposant une sortie à un prix plus correct.

Print Friendly, PDF & Email