La jeune société de services informatiques AUSY propose cette année à ses actionnaires une augmentation de 66% du capital visant à attribuer des BSA, BSAANE ou BSAAR (bons de souscription et/ou d’acquisition d’actions remboursables) à des salariés cadres du Groupe.

Le prix de souscription des bons et leurs principales modalités ne sont pas communiquées ce qui témoigne d’une détérioration du respect des actionnaires par la société : lors de l’émission de BSA d’Août 2007 la note d’opération visée par l’AMF était disponible le 10 Août et les actionnaires disposaient donc le 27 août toute l’information pour se décider en AG avant que le conseil ne mette en place l’émission le lendemain. Sans les modalités et la valorisation des experts, il n’est pas possible de vérifier l’intérêt et le prix de l’émission, sauf à analyser ces bons pour les cadres comme de simples émissions d’options.

Or cette autorisation fortement dilutive (66% du capital actuel), sans condition de performance ni aucun plafond individuel permettra un transfert de richesse massif au détriment des actionnaires minoritaires.

En général le prix d’exercice des BSAAR Managers comportent une prime de 20 à 40% au-dessus du cours à la date d’émission, aucune prime n’est envisagée dans l’autorisation demandée. Le prix de souscription sera fixé à la seule discrétion du conseil et la résolution ne garantit même pas un recours à un expert alors que l’observation historique des prix d’émission de ce type d’instrument pour les dirigeants est très faible, comme en témoigne l’annexe de la note de synthèse sur la valorisation des Bsaars par la Société Nationale des Evaluateurs.

Le cas d’Ausy, suite à une première émission de BSA 2007, reflète particulièrement le problème des émissions de bons au profit de dirigeants. Le conseil d’administration a pris pour motif une émission de BSA au profit de tous les actionnaires pour justifier d’une augmentation de capital réservée au fondateur avec 5% de décote sous forme d’ABSA dont les BSA étaient cédés à une poignée de dirigeants (trois principalement). Lors de l’émission en 2007, le prix de souscription ce ces bons a été décoté de 50% pour tenir compte d’une incessibilité de 18 mois: la liquidité devenant presque plus importante que la rentabilité réelle du sous-jacent. Ces BSA 2007 avaient d’abord été valorisés sur la base d’une durée de vie inférieure à trois années (caducité au 30 juin 2010) ce qui en limitait la valorisation à 0,127€ par bon, plus la durée de vie est courte moindre est la valeur du bon.

Dès 2009, le conseil d’administration d’AUSY fit voter par l’assemblée générale une prorogation de la durée de vie de ces BSA 2007, désormais exerçables jusqu’en octobre 2012. Puis, une nouvelle fois, début 2012 l’AGE autorisait de les proroger jusqu’en octobre 2015 (cf. l’opposition de Proxinvest dans notre Lettre Conseil de l’époque). Un tel procédé de valoriser faiblement le bon au moment de sa souscription puis de changer les règles du jeu ensuite en cours de route semble douteux.

Mais, pire, alors que ces bons ne devraient plus exister depuis 2010, le conseil d’administration vient de décider de lancer une OPA sur ces BSA 2007. L’intérêt de dépenser 138 000€ en frais de conseillers financiers, juridiques, commissaires aux comptes et autres consultants pour racheter des bons qui arrivent à échéance dans 18 mois est bien compris : c’est celui des dirigeants intéressés. Sans surprise, la liquidité sur Euronext de cette ligne de bons « in the money » est faible, mais loin de proposer un « prix de marché », le conseil d’administration fait un nouveau cadeau au passage aux porteurs avertis en leur offrant une prime.

Ainsi le rapport du cabinet de Xavier Paper, l’expert indépendant de service, indique bien:

  • « Selon la référence au cours de bourse du 12 mars 2014, la valeur des BSA 2007 ressort à 1,2 million d’euros, soit une valeur par BSA 2007 égale à 0,24 euro. Le prix d’offre de 0,44 euro par BSA 2007 extériorise une prime de 82,6% par rapport à la référence au cours de bourse du 12 mars 2014. « 
  • « Selon la méthode de Black-Scholes, la valeur des BSA 2007 ressort à 1,6 million d’euros, soit une valeur par BSA 2007 égale à 0,32 euro. Le prix d’offre de 0,44 euro par BSA 2007 extériorise une prime de 35,7% par rapport à la valeur résultant de la méthode de Black-Scholes. »
  • « Selon la référence à la valeur intrinsèque, la valeur des BSA 2007 ressort à 1,7 million d’euros, soit une valeur par action égale à 0,34 euro. Le prix d’offre de 0,44 euro par BSA 2007 extériorise une prime de 28,3% par rapport à la référence à la valeur intrinsèque ». « L’OPAS conduit à un transfert de richesse des actionnaires vers les porteurs de BSA 2007 compris entre 0,4 million d’euros et 0,6 million d’euros selon la méthode de valorisation retenue ».

Le travail réalisé par le cabinet Paper, rémunéré 30 000 Euros d’honoraires, est de qualité, mais sa conclusion peu indépendante, le transfert de richesse étant jugé in fine « négligeable » et le prix de 0,44€ équitable.

Ce dossier démontre que les BSAARs sont un instrument d’association des dirigeants au capital trop facilement manipulables et modifiables. L’instrument utilisé pour des raisons fiscales visant à faire croire que ce n’est pas un instrument de rémunération mais une valeur mobilière valorisée à un pas si juste prix tiré vers le bas par des décotes d’illiquidité massives . Une fois en circulation, les conditions d’émission initiales sont trop souvent modifiées au profit des dirigeants et par exemple dans le cas d’Ausy un exercice en octobre 2010 aurait généré un gain modeste alors que les prorogations successives et un rachat l’entreprise à un prix élevé de 0,44€ par BSAAR va permettre aux trois dirigeants bénéficiaires de tripler leur mise initiale. La résolution proposée fait courir un risque proche mais sur un montant beaucoup plus conséquent puisqu’elle porte sur 66% du capital actuel.

Proxinvest recommande fortement aux actionnaires de s’opposer aux résolutions 18 et 19 et au conseil d’administration, en particulier au Président fondateur d’Ausy, M. Jean-Marie Magnet, d’offrir des modalités alternatives d’association des dirigeants au succès de l’entreprise plus respectueuses des actionnaires minoritaires.

La question qui se pose aussi est de savoir si le rachat des BSA 2007 n’aurait-t-il pas dû être soumis à la procédure des conventions réglementées alors que le Directeur Général Philippe Morsillo est intéressé. En voilà une question qu’elle est bonne pour l’AMF!

Juin 2014

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