L’actionnaire de BNP-Paribas est injustement sanctionné pour la course coupable de ses dirigeants à la concentration bancaire multi-métiers.

Une sanction de 10 milliards d’euros?

Un actionnaire de BNP Paribas nous écrit : « j’estime que le conseil d’administration et les dirigeants :

  • ont été négligents s’agissant du contrôle interne alors que le CA ne cessait pourtant d’affirmer « nous sommes en conformité avec les lois de tous les pays où nous opérons »
  • ont mal négocié avec les autorités américaines en persistant à dissimuler l’ampleur des opérations en infraction »… 

Pourquoi donc BNP-Paribas, banque française très active depuis 1970 aux USA, s’est-elle exposée à violer l’embargo des Etats Unis contre Cuba et l’Iran avec des transactions en dollar avec ces pays de sa filiale suisse de trading pétrolier ?

Alors que la France ne partageait pas la volonté américaine d’embargo, BNP-Paribas ses dirigeants et administrateurs ont agi comme mauvais citoyens américains (qu’ils ne sont pas) mais comme bons citoyens français… à court terme.

Mais à long terme, comme de mauvais dirigeants responsables devant des actionnaires.

Cette affaire ne fait que confirmer la vassalité inévitable et normale des établissements bancaires vis-à-vis de leur Etat de tutelle, puisqu’aussi bien si BNP-Paribas était mis à terre par cette amende c’est bien le contribuable français qui paierait.

Mais ici rassurez-vous seul les actionnaires naïfs de la banque paieront, car l’amende sera justement calculée.

Le groupe bancaire connaissait son problème avec les autorités américaines, tout en maintenant être « en conformité avec les lois de chaque pays où il opérait ». Sa défense est casuiste : « J’opérais bien, en tant que personne morale française aux Etats-Unis, mais les opérations de mes filiales suisses avec les Iraniens ou Cubains, parfaitement légales au regard des règles suisses ou françaises, n’avaient pas à se conformer à la loi américaine. ». Les autorités américaines, qui connaissaient depuis longtemps cette hypocrisie indéfendable d’une prétendue non responsabilité des maisons mères vis-à-vis de leurs filiales à 100%, ont aisément trouvé de quoi financer leur déficit…

Cet impérialisme américain est irritant, mais il a sa logique, et la posture de BNP-Paribas est, elle, totalement confuse.

Une fois de plus, c’est cette confusion préoccupante du modèle bancaire dit universel qui est démontrée : « faire, ici et partout, tout et son contraire avec la garantie du contribuable ». Rappelons ici que le Glass Steagall Act de 1933, qui scindait les banques, avait aussi un volet important de limitation géographique de l’activité de chaque établissement dans un seul Etat américain… On lira utilement l’article  publié par Joseph Stiglitz dans les Echos du 18 septembre 2014.

L’internationalisation des échanges a conduit nos banques universelles à rechercher des dépôts en dollar pour financer plus vite le commerce mondial et nos grandes entreprises : saine ambition, mais qui exposait au diktat américain, il fallait plus jouer l’autre carte, moins simpliste que la course primaire à la taille, celle de la construction européenne et de l’Euro. A force, le coût des couvertures sur les contrats en dollar, iraniens ou autres, aurait naturellement conduit les clients à préférer des contrats et les dépôts en Euro.

Nos « très grandes banques » ont voulu faire jeu avec les plus gros intérêts américains et, comme toujours, cacher sous le tapis les conflits d’intérêts, ici politiques, de leurs tutelles…

Et qui, enfin, fait encore la défense et illustration de ce modèle pervers aux multiples litiges cachés ? Comme JP Morgan, Barclays, Deutsche Bank nos banques universelles françaises subventionnées par la BCE, modèles de rien du tout, se sont bêtement pris les doigts dans l’engrenage réglementaire…

Oui, c’est bien aux actionnaires, les seuls pénalisés, de poser le problème de validité à long terme ou « sustainability » du modèle de nos banques !

6 Juin 2014

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