Altamir tient son rendez vous annuel avec ses actionnaires le 15 avril prochain. La Lettre Conseil de Proxinvest porte des recommandations négatives sur les résolutions 3 (dividende), 4 (conventions réglementées), 5 et 6 (élections), 11 (rémunération de Maurice Tchénio), et 13 (annulation des actions B rachetées). Le Président de la gérance d’Altamir, Maurice Tchénio nous a écrit pour dénoncer « nos très nombreuses contre-vérités » (cf. infra.) Mais à l’examen nous n’avons heureusement pas trouvé ces contre-vérités, nous publions sa lettre et nous répondons ci-dessous. Le fonds d’investissement coté Altamir, spécialisé dans la découverte et la mise sous pression de pépites comme Infopro Digital, Altran, Groupe INSEEC, GFI iInformatique, Albioma ou Thom Europe, a été créé par un pionnier de l’investissement en private equity, le fondateur d’APAX Partners, le talentueux Maurice Tchénio.
- L’ambition était belle et louable de développer un grand fonds populaire coté bénéficiant du régime fiscal favorable de Société de Capital Risque : l’investisseur particulier résidant en France s’engageant à conserver leurs titres pendant au moins 5 ans et en réinvestissant leurs dividendes jusqu’à l’échéance de cette période sont exonérées d’impôt sur les dividendes et sur les plus-values de cession d’actions; ils restent assujettis aux prélèvements sociaux (15,5%). [Malgré les reproches injustes adressés ci-dessous à Proxinvest, nous maintenons notre haute estime et sympathie pour ce projet et ses ambitions]
- Le projet était magnifique, mais la gouvernance du véhicule juridique adopté pour Altamir, une société en commandite par actions (SCA), ne promettait hélas rien de bon ; rappelons qu’en SCA le management s’il présente des comptes à un conseil de surveillance n’est en fait responsable que devant le commandité qui nomme exclusivement le gérant.
Ainsi, chez Altamir, société dépourvue de personnel, qui utilise les services de sélection et gestion d’investissement des Fonds Apax a un associé commandité Altamir Amboise Gérance, représentée par M. Maurice Tchénio (qui est aussi Président de la gérance) et Monique Cohen (DGD de la gérance). Maurice Tchénio contrôle, lui, Apax Partners SNC qui contrôle 79,84 % d’Altamir Amboise Gérance, SA. …
Selon l’usage des SCA, le commandité se réserve une part préciputaire des résultats pour se rémunérer de sa garantie universelle du passif de la SCA (la grande légende des SCA est que le commandité est « personnellement » en risque), ici Maurice Tchnénio touche statutairement et sans risque personnel 2% du résultat retraité. [Maurice Tchénio proteste, et nous indique « En aucune façon la justification des 2% s’appuie sur le concept éculé de la garantie universelle de passif qui dans le cas précis ne s’applique pas » : il est vrai que la concentration des pouvoirs aux mains du commandité évoquée plus haut est sans doute la vraie raison de ce choix statutaire, il restera à nous expliquer comment la notion même de commandite ne s’appliquerait pas à Altamir SCA… qui établit bien une rémunérations préciputaire pour le commandité.]
Mais la gouvernance d’Altamir est de surcroît affligé d’une tranche d’actions préférentielles dites Actions B dont la rémunération statutaire représente 18% du résultat retraité de l’exercice, soit en moyenne 9 M€ pour 2012, 2013, 2015, mais seulement 5 M€ pour 2015.
L’idée était ainsi de prélever au total les fameux 20% « légitimes » sur la performance (2%pour le commandité +18% pour les actions B ) qu’exigeraient les gérants compétitifs, nous dit-on … Or ces prélèvement sont donc automatiques, nullement conditionnés à une performance minimum préalable.
[Maurice Tchénio défend longuement dans sa réponse ce prélèvement « légitime » et « reposant sur l’alignement des intérêts entre les apporteurs de capitaux et les équipes des sociétés de Private Equity… » , le fameux « carried interest »…Merci à lui, qui reconnaît ainsi que « le concept et le taux d’un hurdle rate (ou performance minimum) sont fréquemment sujets de discussions ». Mais Maurice Tchénio oublie de mentionner la rémunération inconditionnelle préalable de la gérance, le plus important, qui représente 8,4 M€ en 2015 soit 2 % des encours qui est due quelque soit les performances..sans alignement aucun.]
Me comptons pas sur le Conseil de surveillance d’Altamir pour veiller aux intérêts des actionnaires commanditaires ordinaires : selon leur Président, C’est dire leur indépendance. [Cf; la réponse originale de l’administrateur a un actionnaire commanditaire.]
En réalité c’est une, une SICAV de Moneta, société de de gestion animée par l’excellent Romain Burnand, qui semble tenir lieu depuis quelques années de garde-fou et de conseil de surveillance dans l’intérêt de tous.
Cette année, Maurice Tchénio propose, une fois de plus à ses actionnaires de voter sur sa rémunération personnelle de gérant. Mais, contrairement à l’esprit du code APEP-MEDEF auquel il prétend se référer, il ne présentera, selon son usage, qu’une partie seulement de ce qu’il touche de son activité chez d’Altamir. Proxinvest risque donc de recommander de s’y opposer. [Maurice Tchénio ne commente pas. ]
Mais une question nouvelle est posée cette année aux actionnaires en résolution 13. Celle-ci propose d’approuver l’élimination par annulation d’actions B rachetées par Altamir à leur détenteurs, non identifiés mais présumés proches de Maurice Tchénio et comprenant l’intéressé lui-même.
Selon les statuts, les actions B se partagent collectivement 18% du résultat retraité de l’exercice, et voici que deux tiers de ces actions B ont été rachetées, les deux tiers de la souche.
Selon Moneta, les rachats « ont été réalisés dans des conditions pas claires de corporate gouvernance » Il est vrai que cette résolution n’est pas vraiment motivée, la société se contentant de dire cette année (et pas l’an passé) qu’elle n’a pas « vocation » à conserver des actions B. [Maurice Tchénio nous indique ci-dessous dans sa réponse qu’effectivement la société n’a pas le droit de détenir durablement plus de 10% de son capital, et c’est ce qui motive la demande d’annulation, car les actions B détenue dépassent cette limite.]
Mais, curieusement, le rachat des deux tiers des actions B par Altamir n’a-t-il pas réduit en pratique la rémunération des actions B par Altamir de collectivement 18% du résultat retraité de 18% à 6% et l’élimination de ces actions rachetées peu cher ne remonterait-elle pas la rémunération de Maurice Tchénio et ses mais de 6% à 18% du résultat de chaque exercice ?
[A cette bonne et sincère question la réponse de Maurice Tchénio est claire : non, car les actions B détenues par Altamir n’ont pas droit a dividende et les 18% du résultat retraité va donc aux associés détenant aujourd’hui 5 703 actions B et à l’intéressé qui n’a plus que 715 actions B. Reconnaissons aussi que la réduction du nombre de ses actions B a sensiblement réduit l’ intéressement personnel de Maurice Tchénio]
Merci donc à Maurice Tchénio pour ses précisions : Proxinvest maintient donc sa recommandation de vote Non sur l’annulation des actions B parce que finalement, ce rachat d’actions B et leur annulation n’apporte rien aux actionnaires ordinaires d’Altamir et ne modifie pas la philosophie générale d’Altamir un véhicule encore trop peu lisible pour les actionnaires.
PARIS le 31 mars 2016, complété le 8 avril 2016 Réponse d’Altamir à Proxinvest annexe
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