Le sujet de la polémique entre Renault/Nissan et l’Etat est bien celui de la séparation de pouvoirs et du plan de succession. Mais c’est à l’origine la négligence de la gouvernance qui laisse aujourd’hui tout l’avantage au PDG Carlos Ghosn.

C’est bien lui, Carlos Ghosn, qui contrôle de fait les deux sociétés et qui joue aujourd’hui le numéro de la réclamation par les « actionnaires japonais » de Nissan du rétablissement pour Nissan de ses droits de vote (donc d’un autocontrôle) chez Renault.

L’Etat, qui a  fait établir un droit de vote double ce printemps dans des conditions peu respectueuses des autres co-actionnaires de long terme (notamment l’immense majorité des actionnaires qui détiennent leurs actions au porteur, dont sociétés de gestion et investisseurs institutionnels) , ne peut que se mordre les doigts de sa trahison de la démocratie actionnariale comme de sa longue négligence des règles élémentaires de bonne gouvernance.

En effet, dès la création de l’attelage original Renault- Nissan, dont la structure d’actionnariat croisé maximisait le financement du groupe et permettait un rapprochement capitalistique tout en ménageant beaucoup de susceptibilités en France et au Japon, Proxinvest avait pointé du doigt le formidable risque d’ « entrenchment ».

Ce risque était simplement de voir le PDG français se barricader dans la forteresse constituée par les protections offertes via la fondation néerlandaise et la JV néerlandaise Renault-Nissan. Ces verrous non nécessaires avaient été adoptés avec la bénédiction du conseil d’administration de Renault et de la COB, acceptant le faux prétexte d’une nécessaire protection supplémentaire contre une hypothétique menace d’acquisition par des tiers.
L’Etat, naïf ou plutôt trop complaisant, avait accepté cette situation conjuguée à la double présidence opérationnelle de Renault et Nissan. Désormais, Carlos Ghosn, qui s’attribue tout le mérite des résultats heureux(1) de cette belle alliance, qui s’offre le luxe de cumuler deux rémunérations, l’une en France et l’autre au Japon et de devenir le dirigeant le mieux rémunéré du SBF 120 selon le dernier classement Proxinvest, est sans aucune inquiétude face aux critiques de l’Etat.

(1) Bien que le contexte concurrentiel du secteur automobile ait été difficile, il conviendra de ne pas adopter une attitude trop béate sur les résultats de long terme de Renault. A son arrivée à la tête de Renault en 2005, Carlos Ghosn promettait en effet dans son Plan Renault Contrat 2009  une marge opérationnelle de 6% (-1,2% de marge opérationnelle réalisée en 2009; 3,9% pour l’exercice 2014)), un dividende de 4,50€ pour 2009 Promesse dividende Renault 2005(0€ de dividende versé pour 2009 dans les faits).  En 2014, ni le résultat opérationnel, ni le résultat net part du groupe, ni l’emploi n’atteint les niveaux de son arrivée.

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