Ce jeudi 31 janvier 2019 se tiendra, sous haute tension, l’Assemblée Générale statuant sur les comptes de 2017. Depuis l’exercice 2017, l’entreprise se trouve dans de grandes difficultés financières, ce qui a provoqué de vives inquiétudes chez ses créanciers et une renégociation des conditions de remboursement de sa dette. Aujourd’hui, la société envisage de faire appel à son actionnaire majoritaire (29.48% du capital) et concurrent, COFEPP (La Martiniquaise), pour se recapitaliser. Cette recapitalisation provoquerait un contrôle de fait du capital et par extension du conseil d’administration.

  • L’impossibilité de clôturer les comptes de 2017 à temps

Début 2018, la société a annoncé avoir lancé un audit sur l’ensemble des processus commerciaux et comptables dans sa filiale en Pologne. Cet audit a notamment conduit la société à retraiter ses chiffres d’affaires trimestriels et annuels 2017. En raison de ces retraitements, les comptes n’ont pas pu être arrêtés dans les délais légaux et la société a dû demander une dérogation au Tribunal de commerce pour tenir son Assemblée Générale portant sur les comptes 2017 après le 30 juin 2018.

La situation s’est encore dégradée durant l’été 2018, du fait de l’activité polonaise de l’entreprise qui peine à se redresser et d’une chute des marchés américain et français. Ainsi, sur les six derniers mois le cours de l’action a baissé de moitié et sur un an a été divisé par cinq pour atteindre 2,6 €, fin janvier 2019.

La situation financière de la société s’est donc rapidement et assez sévèrement dégradée.

  • Une recapitalisation par l’actionnaire majoritaire menaçante

Les importantes difficultés financières que Marie Brizard Wine & Spirits a rencontrées en 2017 et 2018 a forcé la société à se recapitaliser. Cette recapitalisation menace les actionnaires minoritaires dans la mesure où COFEPP grimperait au capital de telle manière qu’il contrôlerait le capital et qu’il détiendrait 53% des sièges du Conseil si l’option principale est approuvée. Cette opération est d’autant plus problématique qu’elle pourrait bénéficier d’une dérogation à la procédure d’OPA obligatoire par l’AMF. Ainsi, d’une part le principe d’égalité des actionnaires serait bafoué, et d’autre part, les actionnaires minoritaires ne pourront se prévaloir des mêmes conditions de cessions de leurs titres.

Bien que cette recapitalisation soit déclinée en deux options, les actionnaires minoritaires se verraient fortement dilués dans les deux cas.

Dans l’option principale, l’augmentation du capital serait réservée à COFEPP à hauteur de 37,712 millions d’euros et l’ensemble des actionnaires se verrait attribuer gratuitement un BSA par action ancienne détenue. Cette option permettrait un apport en numéraire de 45 millions d’euros par COFEPP après exercice des BSA. Si cette opération se réalise, alors COFEPP détiendrait 47.05% du capital, ce qui représenterait 46.85% de droits de vote.

Dans la seconde option, l’augmentation serait avec droits préférentiels de souscription à hauteur de 35 millions d’euros, ouverte à l’ensemble des actionnaires. Une émission d’obligations remboursables pour  29,5  millions d’euros serait toutefois réservée à COFEPP. Cette deuxième option permettrait un apport en numéraire de 32,5 millions d’euros par COFEPP sans préjudice de la souscription d’autres actionnaires. Suite à cette opération, deux situations peuvent se présenter :

  • Si COFEPP souscrit à 75% de l’augmentation de capital à un prix de 2,5 € par action, l’actionnaire détiendrait post-augmentation de capital 48.54%  (48.31% de droits de vote).
  • Si COFEPP souscrit à, cette fois-ci, 10.5% de l’augmentation du capital au prix de 2.5 € par action, alors l’actionnaire détiendrait 40.08% du capital (39.93% de droits de vote).

L’opération pourrait, dans un cas comme dans l’autre, être préjudiciable pour les actionnaires minoritaires dans la mesure où la détention de 40% du capital dans une société cotée permet, par présomption,  de prendre le contrôle de la société.[1] Ainsi, quelle que soit l’option proposée, le capital passerait d’une structure dispersée à une structure contrôlée, ce qui aura nécessairement des conséquences sur le Conseil.

Par ailleurs, la société a eu recours à une mauvaise pratique de gouvernance en insérant dans une même résolution (n°28) les deux options, d’autant que les opérations proposées sont plutôt complexes. Notons également que Diana Holding (13,81% des droits de vote actuellement) s’est engagée à voter en faveur des résolutions visées par cette option principale. Ainsi, avec COFEPP (29,28% de droits de vote), ces résolutions ont d’ores et déjà reçu le soutien de 43,09% des droits de vote. En prenant l’hypothèse d’un taux de participation à l’AG de 65% (moyenne des 2 dernières AG), ces résolutions devraient recueillir à minima 66% des voix.

  • Le mécontentement des actionnaires fortement exprimé à l’Assemblée

Les actionnaires ne sont pas en reste puisque MBWS est à l’origine d’une communication financière litigieuse concernant ses prévisions qui a fait l’objet d’une demande d’enquête auprès de l’AMF le 5 juillet 2018 à l’initiative de l’association ADAM et le 5 octobre 2018 sur des éléments complémentaires par l’association ASAMIS pour diffusion d’informations trompeuses.

Des actionnaires individuels ont décidé de faire entendre leur mécontentement lors de la prochaine Assemblée générale en proposant seize résolutions externes, qui n’ont pas été agrées par le Conseil. Une majorité d’entre-elles portent sur la révocation des administrateurs, que nous soutenons du fait de leur défaillance incontestable et de leur incompétence en matière de nomination de garants d’une bonne gestion. Les actionnaires proposent également d’amender les deux options. D’une part, ils veulent éviter la prise de contrôle par COFEPP du Conseil, sans même avoir été payés un juste prix. D’autre part, ils veulent augmenter le prix de l’augmentation du capital et de conversion des obligations car ils considèrent que COFEPP est déjà suffisamment favorisé dans cette opération. Nous soutenons leurs résolutions dans la mesure où nous nous opposons déjà aux résolutions relatives à ces deux options de recapitalisation. Leur inquiétude d’un contrôle de fait du COFEPP et du Conseil est compréhensible.


[1] Article L233-3-II du Code de Commerce

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