Proxinvest s’est rendu le mardi 9 janvier au Palais des congrès de Versailles pour la première assemblée de l’année 2018, celle de Zodiac Aerospace.

Une salle remontée, des rémunérations contestées et une séance de questions-réponses surréaliste !

 

Une centaine d’actionnaires plutôt remontés se sont présentés afin de rencontrer les dirigeants de l’équipementier aéronautique pour la dernière assemblée générale de Zodiac avant l’issue de l’offre publique de Safran et sa probable prise de contrôle. En effet, Zodiac est en cours d’acquisition par offre publique par le motoriste Safran. La société était en effet en contexte économique difficile, avec une série de profit warnings, et des retards de livraison qui avaient amené à une alerte des lecteurs de Proxinvest début 2017.

Le Président du Directoire, Olivier Zarrouati, a été contraint de partir durant l’exercice et dans son article récent « Soldes chez Zodiac »  Proxinvest avait alerté sur son indemnité de départ déguisée, le rachat pour 0€ de son véhicule de fonction. Proxinvest dénonçait aussi l’intention de modifier la politique de rémunération fixe du nouveau Président, Yann Delabrière, à l’issue de l’offre publique, sans l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires requise pour toute modification depuis la Loi Sapin 2.

Didier Domange, Président du Conseil de Surveillance depuis 44 ans, a ouvert la cérémonie pour la dernière fois, ce dernier quittant son poste. Les différents administrateurs et dirigeants ont exposé le bilan de l’année, tumultueux en raison de la branche « Sièges » de la société, qui a encore été marquée par des retards de livraison ayant entraîné des pénalités de retards. Si la société annonce une baisse de l’endettement net et un respect de ses covenants bancaires, le chiffre d’affaires organique de la société reste en baisse.

Les difficultés financières et organisationnelles du groupe n’ont pas échappé aux actionnaires, qui ont exprimé leurs doutes et leurs réserves à une tribune de dirigeants et membres du conseil de surveillance avare d’explications. Les questions, provenant d’actionnaires, de représentants syndicaux et de minoritaires.com, portaient sur différents éléments marquants de l’exercice et à venir.

Plusieurs questions ont porté sur la nature des complications commerciales de la branche « Sièges », et sur le montant des pénalités financières. Sur cette dernière demande de précision, la société n’a pas accepté de donner d’estimation chiffrée.

Certains actionnaires ont également montré leur incompréhension envers certaines caractéristiques de la fusion (la parité exacte de l’opération, le changement de fiscalité applicable pour les participants à un plan d’épargne actions), sans que les réponses de la tribune soient précises.

Si le taux de participation s’est effondrée (59,2% pour l’assemblée générale ordinaire), la salle s’est montrée très agitée concernant la question des rémunérations des nouveaux membres du Directoire et sur les éléments de départ attribués à Olivier Zarrouati. Les dirigeants ont avancé que les actionnaires ne pouvaient exprimer leur désaccord qu’à travers leur vote en assemblée générale, et que la communication faite sur les rémunérations étaient suffisamment complètes. Ne s’estimant pas dans le devoir de se justifier auprès de ses actionnaires, la direction de Zodiac a de plus manifesté son attachement à une lecture restrictive de la loi Sapin 2. En effet, le nouveau Président du Directoire, Yann Delabrière, a avancé le fait que la société était tenue de divulguer les principes de rémunération pour l’exercice à venir, et non pas les montants : une vision que ne partagent pourtant ni Proxinvest, ni l’indice auquel appartient Zodiac Aerospace, car la quasi-totalité des émetteurs publient  correctement les montants à attribuer pour l’exercice à venir. Il est inadmissible que la rémunération de Yann Delabrière puisse être modifiée post-offre publique sans validation de la nouvelle politique de rémunération par l’assemblée générale, un détournement manifeste de la Loi Sapin 2 qui a introduit l’ article L225-82-2 du Code de Commerce qui stipule dans son alinéa 3 que « l‘approbation de l’assemblée générale est requise pour toute modification des éléments » . Ce même article prévoit que l’assemblée générale approuve la politique de rémunération sur la base d’un rapport et que ce « Ce rapport détaille les éléments de rémunération« . Le Décret n°2017-340 du 16 mars 2017 – art. 4 détaille « les éléments composant la rémunération totale et les avantages de toute nature » qui comprennent « la rémunération fixe annuelle« . Il est impossible de considérer que Zodiac a détaillé la rémunération fixe annuelle prévue pour Yann Delabrière, la politique de rémunération n’est communiquée que pour une période limitée de l’exercice. En fait, dans sa réponse à la question de la salle, Yann Delabrière a simplement interprété   la Loi Sapin 2 comme une communication des « Principes et critères« , le principe de prévoir une rémunération fixe d’un montant non communiqué aux actionnaires et librement fixé par le conseil de surveillance serait donc suffisant à ses yeux. En fait, Yann Delabrière a  tout simplement oublié de lire les alinéas 2 et 3 de l’article L225-82-2 du Code de commerce. 

Au delà de l’ambiance houleuse (actionnaires contestataires applaudis), les actionnaires ont aussi exprimé leur mécontentement par rapport à la direction par leur vote. En effet, les résolutions relatives aux rémunérations ont connu une approbation faible comprise entre 80% et 83% pour les dirigeants les mieux rémunérés. Ce score révèle une forte opposition des minoritaires ; en effet, les familles détenant 36,60% des voix du fait du mécanisme pervers et protecteur du droit de vote double, on peut supposer qu’elle contrôlait largement une majorité des voix le jour de l’assemblée. On peut alors estimé aux alentours de 50% le taux d’opposition des minoritaires.

Au delà du cas de Zodiac, on ne peut que regretter la détérioration des séances des questions orales aux assemblées générales et le manque de respect des actionnaires présents. Il est de plus en plus observé que les dirigeants et mandataires sociaux ne veulent pas répondre précisément aux questions de leurs actionnaires. En fait, les mauvaises réponses lors de la séance des questions des assemblées générales témoignent parfois autant d’une forme de condescendance peu acceptable pour des actionnaires qui les ont pourtant nommés que d’une forme d’incompétence à bien répondre. Il est certain que se déplacer jusqu’à Versailles pour obtenir des quasi-non-réponses n’encourage effectivement pas les actionnaires à participer physiquement aux assemblées. L’alternative du webcast, plus impersonnelle,  n’est pas non plus la panacée : la vidéo fut interrompue lors du passage à la séance des questions de la salle comme pour l’AG Renault 2017…


 

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