Couverture Rapport AG2015 ProxinvestDans un contexte de débats sur le caractère malsain du droit de vote double et de certains dispositifs de protection du management contre les OPA, la saison 2015 des assemblées générales françaises aura été marquée par un niveau record de contestation des actionnaires et par une seconde année de vote consultatif sur la rémunération des dirigeants (« Say On Pay ») plus chahutée.

  • 2015 : une année de contestation record aux assemblées générales françaises

 Dans son dix-neuvième rapport sur les assemblées générales, Proxinvest a analysé les résultats de vote de 6 595 résolutions proposées dans 367 assemblées générales françaises et note une progression sensible de la vigilance des actionnaires. Le taux de contestation moyen d’une résolution passe ainsi de 4,76% en 2014 à 6,36% en 2015 au sein des sociétés du CAC 40. 

La saison 2015 des assemblées générales restera marquée comme celle de tous les records de contestation : 39 sociétés auront fait l’objet d’un rejet de résolution et 64 résolutions auront été rejetées ou retirées du vote après 35 rejets en 2013 et 56 en 2014.  

En 2015, les résolutions rejetées portent principalement sur des dispositifs anti-OPA (23%), le risque de dilution (20%) et des plans de rémunération sous la forme d’options ou actions gratuites (20%). Les autres rejets concernent entres autres conventions réglementées, élections ou modifications statutaires.

  • La seconde saison du « Say On Pay »

La seconde saison du vote consultatif sur la rémunération des dirigeants, autrement appelé « Say On Pay », aura également été marquée par plus de contestation avec un taux d’approbation moyen qui passe de 92% en 2014 à 88% au sein du SBF 120. Alors que les actionnaires auront plébiscité les faibles rémunérations des entreprises publiques (EDF, ADP) et salué les changements et la transparence chez Legrand, 100 résolutions de « Say On Pay » auront été contestées par les actionnaires minoritaires à plus de 20% au sein de l’indice SBF 120 dont celles des dirigeants de Hermès, LVMH, Havas, JC Decaux et Sanofi pour lesquelles une majorité des minoritaires aura voté contre leur rémunération.

Avec 58% d’approbation seulement, Carlos Ghosn, Président Directeur Général de Renault, aurait pu voir sa rémunération rejetée. En effet, il est probable que certains grands investisseurs étrangers n’auraient pas approuvé la rémunération du PDG de Renault, Carlos Ghosn, si le tableau de synthèse de la brochure de convocation sur sa rémunération avait inclus la rémunération perçue chez Nissan.

De même, la rémunération de Franck Riboud chez Danone aurait dû être le premier rejet de résolution « Say On Pay » si Danone n’avait pas dans ses statuts une limitation des droits de vote à 6%, une forme protectionniste de distorsion des règles de la démocratie actionnariale. Le gérant d’actifs américain Massachusetts Financial Services se sera opposé mais aura alors vu ses droits de vote plafonnés à 6%, ce qui aura permis à la résolution d’obtenir 53% de soutien alors qu’elle aurait du se voir rejeter avec 46% d’approbation seulement. 

  • Le droit de vote double : une distorsion de la démocratie actionnariale

Cette contestation devrait même apparaître beaucoup plus élevée sans l’utilisation massive du mécanisme du droit de vote double par les sociétés françaises, un mécanisme qui confère très souvent aux actionnaires de référence un poids disproportionné par rapport à leur investissement au capital et leur permet alors de contrôler de fait une société ou de faire passer des résolutions qui auraient dû être rejetées. Ainsi, en 2015, 21 résolutions supplémentaires auraient dû être rejetées sans l’existence de droits de vote double, principalement sur des sujets de rémunération, de risque de dilution ou de protection du management contre les offres publiques.

C’est aussi la montée en puissance des actionnaires de référence qui explique la hausse du taux de participation à 72,64% des droits de vote contre 71,68% en 2014, les actionnaires minoritaires pesant eux moins le jour de l’assemblée générale mais étant plus vigilants ou contestataires avec un taux d’opposition moyen des actionnaires minoritaires estimé à 11% dans le CAC 40 une fois les statistiques retraitées des actionnaires de référence et de leur droit de vote double.

Les investisseurs institutionnels qui voient leur responsabilité actionnariale s’étoffer, par exemple à travers l’article 173 de la Loi de Transition Energétique, se verront paradoxalement diluer en droits de vote à partir de 2016 du fait de l’introduction de nombreux droits de vote double. En effet, l’engagement actionnarial mené par de nombreux investisseurs français et étrangers n’a permis de sauvegarder que 11 sociétés du CAC 40 respectant le principe « une action- une voix » (17 en 2014) et le poids des actionnaires minoritaires, plus contestataires, sera amené à se réduire dans les assemblées générales françaises futures, illustrant les effets négatifs des distorsions de la démocratie actionnariale en France. Les actionnaires auront pourtant clairement plébiscité le principe « une action – une voix » avec un score moyen d’approbation de 98,34% (hors résolutions rejetées du fait de l’activisme des principaux actionnaires de référence bénéficiaires).

L’engagement actionnarial aura été plutôt élevé en 2015 avec 30 résolutions externes proposées par des actionnaires ou des salariés, dont deux coalitions d’actionnaires menées par Phitrust Active Investors composées d’investisseurs français et étrangers favorables au maintien du principe « une action – une voix » chez Vivendi et Orange. Les deux résolutions ont reçu un soutien extraordinairement élevé pour des résolutions non agréées par les sociétés et auront été mises en échec par les deux principaux bénéficiaires : l’Etat actionnaire et Vincent Bolloré. Le fait que ces deux actionnaires aient pu imposer un droit de vote double, dont ils seront les principaux bénéficiaires malgré l’opposition d’une majorité des autres actionnaires, pose un sérieux problème de respect de la démocratie actionnariale et des investisseurs qui a dégradé l’image des émetteurs cotés sur la place de Paris auprès des investisseurs internationaux et pourrait nuire à l’attractivité capitalistique française.

  • Les dix nouveautés de la politique de vote de Proxinvest pour les assemblées générales 2016

Au-delà de l’observation de la saison 2015, le rapport de Proxinvest se projette sur la saison 2016 et inclut la politique de vote 2016 de Proxinvest qui sera présentée début janvier aux émetteurs français. En 2015, Proxinvest aura dû alerter ses clients investisseurs sur 42% des résolutions analysées et il est urgent que l’adoption des meilleures pratiques de gouvernance et de respect des actionnaires se généralise. En 2016, Proxinvest introduit dix nouveautés dans sa politique et attendra :

  • 1° Qu’il soit mis fin aux conventions réglementées prévoyant le paiement de prestations de services pour une durée indéterminée en faveur de l’actionnaire de contrôle.
  • 2° Que les dirigeants aient investi de façon significative en actions de la société.
  • 3° Que des contre-pouvoirs sérieux soient mis en place dans les conseils d’administration ayant décidé qu’une seule personne occuperait les fonctions de Président du conseil d’administration et de Directeur Général, à savoir :
    • Conseil d’administration composé d’une majorité de membres libres d’intérêts ; et
    • Généralisation des « executive sessions» avant ou après chaque séance du conseil d’administration, et
    • Existence d’un Vice-Président référent indépendant, chargé d’une mission spéciale permanente de communication avec les actionnaires sur les sujets de gouvernement d’entreprise et disposant du pouvoir statutaire d’exiger du Président la convocation d’un conseil d’administration sur un ordre du jour déterminé.
  • 4° Qu’une légère décote soit appliquée lorsque la société utilise sa trésorerie afin de satisfaire un actionnaire de référence désirant céder un bloc d’actions.
  • 5° Que la société neutralise l’impact positif mécanique de la mise en œuvre d’un plan de rachat d’action sur la rémunération variable d’un dirigeant (ex : utilisation du Bénéfice par action)
  • 6° Que la politique de dividende ne génère pas de risque d’endettement ou de sous-investissement.
  • 7° Qu’un principe d’acquisition prorata temporis soit prévu dans la politique de rémunération des dirigeants en cas de départ dudit dirigeant et qu’aucune attribution ou indemnisation ne puisse avoir lieu si le départ n’est pas un départ contraint lié à un changement de contrôle ou un départ en retraite.
  • 8° Que les conditions de performance introduites par la Loi Macron au sujet des retraites chapeau à prestations définies soient réellement exigeantes.
  • 9° Que la rémunération des dirigeants soit alignée avec la performance à long terme grâce à l’absence d’acquisition finale dans les cas de sous-performance relative par rapport au secteur et à ses concurrents.
  • 10° Que la valorisation de tout apport en nature fasse l’objet d’un vote d’approbation de l’assemblée générale connaissance prise du rapport du commissaire aux apports.

Proxinvest est une société indépendante de conseil aux investisseurs institutionnels spécialisée dans l’analyse des résolutions présentées aux assemblées générales des sociétés cotées et dans les sujets de gouvernance.

Le rapport Proxinvest sur les assemblées générales comprend 400 pages. Le tome 1 du rapport étudie tout d’abord la participation aux assemblées générales, la contestation, le poids des actionnaires de référence, l’activisme actionnarial, les dix assemblées phares de la saison, les conséquences des Lois Florange et Macron. Ensuite chaque différent type de résolution est observé à la loupe afin d’en expliquer les enjeux et d’identifier les sociétés controversées et les résultats de vote.

Le tome 2 du rapport comprend les Principes de gouvernement d’entreprise et la Politique de vote 2016 établis par Proxinvest pour la nouvelle saison des assemblées générales. Il reprend en annexe l’ensemble des résolutions contestées à plus de 20%.

 

Les rapports de Proxinvest sont commercialisés par la Librairie LDEL/JUSTICIA – Tel : 01.48.56.89.89 ou librairie.justicia@gmail.com  ou en utilisant le bon de commande.

Contacts :

Déborah Slama, Responsable de l’étude (dslama@proxinvest.fr)

Loïc Dessaint, Directeur Général (ldessaint@proxinvest.fr)

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