Avec huit autres actionnaires institutionnels, représentant plus de 1% du capital d’Orange, le fonds d’activisme de gouvernance PhiTrust Active Investors avait  inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée générale du 27 mai 2015 d’Orange une résolution demandant le maintien du droit de vote simple dans les statuts de la société.

Ce remarquable travail de mobilisation des investisseurs a obtenu le score de 43,3% en opposition au droit de vote double chez Orange , non loin du vote de soutien majoritaire obtenu chez Vivendi le 17 avril 2015 pour un maintien du principe « une action, une voix ».

Un score insuffisant certes mais historiquement exceptionnel et très honorable :  la puissance de l’actionnaire principal étatique allié aux actionnaires salariés trop bien manipulés lui assurait 30% du capital soit l’équivalent de 44% des voix  en assemblée. Les futurs bénéficiaires des droits de vote double (Etat et salariés – 44% des voix de l’AG) auront donc voté contre la résolution externe « une action – une voix »  accompagnés de quelques minoritaires (13% des voix) et une grande majorité des minoritaires (pesant 43% des voix de l’AG) aura soutenu la proposition de Phitrust. L’objectif des actionnaires minoritaires ayant déposant cette résolution était d’envoyer un message clair à l’Etat pour marquer leur indignation:

  • L’instauration du droit de vote double réservé aux seuls actionnaires au nominatifs ne respecte pas le principe d’égalité de traitement des actionnaires;
  • La plupart des actionnaires minoritaires se feront diluer en droits de vote au profit de l’Etat pour des raisons techniques liées aux contraintes de détention des titres;
  • Derrière un grand discours  d’encouragement de l’actionnariat à long terme se cache en réalité un objectif égoïste poursuivi par l’Etat : pouvoir liquider à terme une partie de ses actions Orange. Les autres actionnaires ne sont pas dupes de ce stratagème.
  • La grande majorité des actionnaires a compris que le droit de vote double renforçait le poids de l’actionnaire de référence, en l’occurrence l’Etat, au détriment des autres.
  • Les actionnaires minoritaires d’Orange devraient être perçues par l’Etat et la direction d’Orange comme des parties prenantes dignes de confiance, ayant pris un risque financier, prêtes à accompagner  le groupe dans sa politique d’investissement, notamment dans la fibre optique.  L’introduction d’un droit de vote double les dilue et les réduit à un simple rôle de porte-monnaie apporteur de capital. Le soutien à la résolution Phitrust par 77% des actionnaires minoritaires témoigne de leur affectio societatis et à leur attachement au droit de vote.

Par ailleurs, non moins de cinq résolutions extraordinaires d’autorisation financières auront été rejetées: ces résolutions pouvant priver les actionnaires de leur droit de souscription et utilisables en période d’offre publique n’ont pas atteint le score nécessaire des deux tiers des voix , n’atteignant en moyenne que 61% : une négligence des équipes d’Orange qui eussent dû prendre note des préoccupations exprimées très tôt par la plupart des agences de conseil de vote puis par les investisseurs. Rappelons à ce titre que le PDG d’Orange avait reçu fin janvier 2015 une lettre collective de 19 investisseurs réunis par Phitrust, ces investisseurs d’Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suisse qui gèrent au total 2 300 milliards d’euros, l’avaient prévenu sur la nécessité de maintien du principe « une action = une voix » et du libre jeu des offres publiques.

Qu’on ne dise alors pas comme Pierre Louette, responsable du Secrétariat Général d’Orange, en pleine assemblée générale que ces rejets sont le fruit de recommandations de quelques agences de conseil de vote. Plutôt que d’assumer sa responsabilité face à ses actionnaires, il est bien plus simple pour une direction désavouée sur un tel sujet de dénoncer l’influence d’une poignée d’agences de conseil. Proxinvest a certes recommandé de s’opposer à ces résolutions mais n’est qu’un messager, un conseiller d’investisseurs qui ont défini leur propre politique de vote et assument pleinement la défense de leur droit préférentiel de souscription et de la neutralité des organes de direction en période d’offre publique. La direction d’Orange et son conseil d’administration n’ont tout simplement pas voulu écouté les préoccupations de leurs actionnaires.

Qu’on ne dise pas non plus que ces autorisations de pur confort étaient indispensables au financement du groupe. Rappelons aux administrateurs d’Orange, comme aux autres inféodés des pouvoirs irresponsables, qu’Air Liquide, l’un de ces excellents groupes qui ont renoncé en 2015 aux facilités malsaines du droit de vote double, n’a jamais souhaité faire approuver une résolution d’autorisation de financement sans DPS…

L’Etat français fait surtout du court-termisme : le droit de vote double lui permettra  de redresser le solde budgétaire avant l’élection présidentielle.
On notera que Madame Anne Lange, administrateur représentante de l’Etat n’a obtenu malgré ses qualités que 78,61% des voix  des actionnaires, bien moins que les autres administrateurs.

Il  y a donc du chemin à faire pour réconcilier investisseurs et dirigeants asservis à la politique…

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