Trois questions ont été posées à la société à la veille de son assemblée.

Après BNP PARIBAS qui a écopé d’une  amende de près de 9 milliards de dollars infligée pour violations d’embargos américains, c’est au tour d’Alstom d’accepter de payer une amende de 700 millions de dollars (560 millions d’euros) aux Etats-Unis pour solder des poursuites pour corruption en Indonésie. La corruption est selon les spécialiste une pratique ancienne chez Alstom mais Patrick Kron qui était au commande dès le début en 2004 des opérations délictuelles visée  qui se sont poursuivies jusqu’en 2009 ne semble pas innocent.

Les actionnaires français dans ces deux dossiers se seront justement indignés du comportement ambigu du gendarme du monde, lequel  trouve à l’évidence son intérêt industriel dans l’application sévère pour les firmes non américaines de la Lex Americana. Ainsi c’est un Alstom affaibli par la menace de sanctions  considérables qui a dû consentir à une fusion quasi-forcée de ses activités Steam France (turbines notamment pour le  nucléaire), grid (distribution électrique)  et énergie renouvelable. La première question de Proxinvest au Conseil d’administration fût de savoir si  certains dirigeants de la  société étaient impliqués par les poursuites sous le Foreign Corrupt Practice Act : l’administrateur senior Foltz répondit à l’assemblée  générale qu’aucun des administrateurs actuels d’Alstom n’était impliqué.

Il a été indiqué qu’Alstom prenait en charge tout ce passif pénal mais que des » compensations commerciales » non précisées annulaient l’effet sur le prix de la cession à GE…700 millions d’euros tout de même !

Proxinvest, auquel peu d’élément d’appréciation de la valeur de ces actifs cédés n’a été fourni par Alstom, s’était prononcé en faveur de l’opérationsur la base d’une information présumée sincère fournie par la société favorablement sur la  résolution unique et  consultative proposée à l’AGE  19 décembre 2014. Les résultats de l’activité cédée n’ont apparemment pas cessé de se dégrader depuis l’annonce de leur cession mais chacun sait la facilité qu’il y a de piloter les résultats comptables sur des contrats longs du type de ceux d’Alstom, alors que General Electric pourra noyer ce recul dans des comptes consolidés de très grande magnitude.

« Quand on veut tuer son chat on dit qu’il a la rage »… A la seconde question aucune réponse n’a été apportée :  pourquoi l’avertissement sur résultats du 21 janvier 2014  annonçant que la marge opérationnelle sera en retrait en 2014/2015 et un flux de trésorerie disponible négatif au deuxième semestre fin mars 2014 au lieu d’être positif, n’a pas été vérifié par les résultats annuels:  le cash flow (marge d’autofinancement) libre positif finalement de 340 millions d’euros au second semestre contre un chiffre négatif de 511M€ au premier semestre.  Les questions posées aussi par Marie-Jeanne Pasquette qui s’interrogeait  sur le site DeontoFi   «  Présenté comme « équilibré », l’accord conclu par Alstom avec General Electric passera-t-il un jour pour une des grandes supercheries de l’histoire boursière? » furent balayées d’un revers de main comme diffamantes. Les spectateurs en furent surpris.

Dans les deux cas de comportements condamnés par la Lex Americana, BNP Paribas et Alstom, il est particulièrement intéressant d’observer que le plus haut niveau de la direction générale a opté délibérément pour la poursuite des comportements qualifiés de délictuels par les autorités américaines. Tout accable ces dirigeants qui ont au moins toléré des comportements manifestement illégaux et qui malgré la saisie par les autorités ont préféré braver l’intérêt général plutôt que de cesser de tricher.

D’autres questions plus sévères seront donc posées pour accepter de justifier les rémunérations considérables consenties récemment à l’équipe dirigeants alors que le groupe se réduit à son tiers et que l’actionnaire semble à ce jour perdre sous la direction de Patrick Kron. Le cours qui était à 12 euros il y a dix ans , après avoir caracolé à 80 euros n’est jamais qu’à 28 euros aujourd’hui , tandis que Patrick Kron, qui  n’aura vu baisser que d’environ  10% sa rémunération annuelle de 3 million d’euros et fait provisionner 13 millions d’euros pour sa retraite, se voit honoré d’une « rémunération conditionnelle exceptionnelle » d’un montant équivalent à « la contre-valeur de 150 000 actions de la société » près  de 4,1 millions d’euros. Ceci pour « avoir assuré un avenir pérenne à Alstom Energie » : notre troisième question au Conseil était : comment justifier d’un tel paiement quand la société renonce  à trois métiers d’avenir pour se voir cantonnée dans le seul secteur ferroviaire et que la création de valeur n’est pas là depuis cinq ans ? la réponse fut à nos yeux insuffisante.

La nouvelle politique de vote de Proxinvest, qui scrutera sérieusement cette « rémunération conditionnelle exceptionnelle »  exige donc désormais l’insertion dans les incitations à long terme indispensables pour rémunérer les dirigeants l’insertion d’une clause de restitution ou « clawback » visant ce type de situations, tant il est vrai qu’une part des rémunérations très généreuses versées dans le passé à Patrick Kron semblent avoir couvert des comportements pour le moins contestables.

18 décembre 2014

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