I - L’intérêt de l’une n’est pas l’intérêt de l’autre
Par une importante décision en date du 22 mai 2019 (Cass. com., 22 mai 2019, n° 17-13565) la Cour de cassation, dans un attendu de principe, précise l’articulation entre devoir de loyauté d’un administrateur et respect de l’intérêt social d’une société.
La haute juridiction procède en trois temps, puisqu’elle :
- rappelle que l’exercice du droit de vote par un administrateur est en principe libre et dirigé dans l’intérêt de la société ;
- précise, dans le cadre d’un groupe de société, que l’administrateur doit concilier cette liberté avec l’obligation de loyauté le liant à la société mère ;
- limite la portée de cette obligation de loyauté due à la société mère au respect de l’intérêt social d’une filiale.
Si un administrateur commun à une société mère et sa filiale peut en principe exercer librement son droit de vote au sein du conseil d’administration, il sera en revanche contraint d’exécuter au niveau d’une filiale les décisions régulièrement adoptées au sein de la société mère à raison d’une obligation de loyauté, sauf si ces décisions sont contraires à l’intérêt social de la filiale.
Applicable à toutes sociétés, cotées ou non, quel que soit le dirigeant concerné (exécutif et non exécutif), cette décision est une réponse opportune aux conflits d’intérêts ; que ces derniers naissent, directement ou indirectement, par la confrontation d’un intérêt personnel ou tiers à l’intérêt social.
II - L’intérêt de Casino n’est pas l’intérêt de Rallye, Foncière Euris, Finatis et Euris
Une procédure de sauvegarde a été ouverte le 23 mai 2019 au bénéfice des sociétés Rallye, Foncière Euris, Finatis et Euris.
Si assainir les finances de Rallye, Foncière Euris, Finatis et Euris, sociétés de contrôle, est conforme à leur intérêt social, déposséder leur filiale Casino de ses actifs pour y parvenir, contrevient frontalement à l’intérêt social de cette dernière.
Ce défaut de conformité à l’intérêt social de Casino, dispenserait alors tout dirigeant commun aux deux sociétés, d’agir en contrariété à l’intérêt social de Casino par l’exécution d’une décision adoptée au niveau des sociétés de contrôle, sauf à transgresser son obligation de loyauté à laquelle il est tenu à l’égard de Casino et non à l’une des sociétés de contrôle.
Tout dirigeant et/ou actionnaire commun à Casino et l’une des sociétés de contrôle, est placé de fait en situation de conflit d’intérêts a minima indirect ; spécialement chaque fois qu’une décision prise au sein d’une société du groupe :
– a un impact potentiel sur une autre société du même groupe,
– a un impact potentiel sur la situation personnelle de ce même dirigeant et/ou actionnaire.
Agir à l’encontre de l’intérêt social de Casino, pour satisfaire le seul intérêt social des sociétés Rallye, Foncière Euris, Finatis et Euris, caractériserait une transgression de l’obligation de loyauté des dirigeants en fonction et constitutif:
– d’une faute de gestion ouvrant droit à réparation,
– d’un juste motif de révocation.
Les dommages et intérêts payés en compensation du préjudice résultant d’une telle faute de gestion, viendrait à faire peser l’assainissement financier des sociétés de contrôlent sur les derniers personnels du dirigeant indélicat ; ce qui serait doublement justifié si ce même dirigeant devait être identifié comme l’ultime bénéficiaire de cette vaste opération.
Action Casino, association des défenseurs de Casino, veillera ainsi à ce que l’intérêt social de Casino ne soit pas sacrifié aux fins d’assurer la pérennité d’une cascade de holding tributaire de la volonté d’un seul.
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