La saison 2018 des AG du CAC se terminera ce vendredi 15 juin après-midi sans avoir constaté le moindre rejet de rémunération de dirigeants, les variables pourront donc tous être attribués. En effet, malgré la probable opposition de l’Etat français annoncée par Reuters et la recommandation de vote négative de Proxinvest à ses clients investisseurs, les grands investisseurs nord-américains ont commencé à annoncer qu’ils voteront favorablement la rémunération 2017 du PDG de Renault (Calvert, Canada Pension Plan, Christian Brothers Investment ou le fond de pension des enseignants du Texas selon Proxy Insight), tous conseillés par l’agence de conseil de vote américaine ISS qui leur recommande de voter favorablement en indiquant que le package de rémunération « ne pose aucun problème significatif » selon Reuters.

Pourtant Proxinvest aura rarement observé autant de complaisance de la part d’administrateurs pour fixer les objectifs de performance à atteindre pour calculer le montant de la rémunération variable annuelle (1 451 400€ au titre de 2017 pour M. Ghosn). 

 

En effet, la rémunération variable annuelle de Carlos Ghosn repose sur trois critères financiers :

– Le 1er critère financier est le ROE (rendement des fonds propres). Il est atteint au maximum et donne droit à 15% du fixe, soit 184 500€.
Le ROE est en augmentation passant de 18,2% en 2016 à 18,6% en 2017. Cependant, pour bénéficier du versement maximum, il suffisait d’atteindre un ROE de 10%, un niveau particulièrement bas qui n’a jamais été approché ces dernières années (23,27% en 2011, 22,24% en 2012, 20,14% en 2013, 18,54% en 2014, 18,70% en 2015, 18,20% en 2016, 18,60% en 2017). Pour qu’il n’y ait aucun versement, il aurait fallu que le ROE plonge en dessous de 8%. En conclusion, Proxinvest estime que le conseil d’administration est étonnamment complaisant lorsqu’il définit les objectifs de ROE à atteindre pour Carlos Ghosn.

– Le second critère est la marge opérationnelle du groupe (MOP) par rapport au budget. Le critère est atteint à 100% et donne droit au maximum de 35% du fixe, soit 430 500€.
Pour bénéficier du versement maximum, il s’agissait d’atteindre le budget MOP 2017 + 0,2 point (25% de l’attribution si égal au budget). Le budget MOP 2017 était de 6,4% alors que la MOP 2016 était de 6,4%, ce qui semble peu exigeant et incohérent avec les perspectives annoncées par le groupe pour 2017 d’augmenter la marge opérationnelle. La MOP réalisée est de 6,8% pour 2017. Le versement du bonus maximal au titre de ce second critère est donc acceptable selon Proxinvest mais, là encore, l’objectif maximal ne semble pas avoir été fixé à un niveau très élevé.

– Le troisième critère financier est le Free Cash Flow (FCF). Le critère est atteint à 100% et donne droit au maximum de 35% du fixe, soit 430 500€.
Le FCF 2016 était de 1 107 M€. Le FCF budgété était de 305 M€, ce qui n’était pas exigeant. Le bonus maximum au titre de ce critère était attribué à partir d’un niveau de FCF de 457,5 M€. Le FCF réalisé en 2017 est en baisse à 945 M€. Le versement du maximum au titre de ce critère n’est donc pas recevable. En fixant un objectif de FCF de 305 M€ et un maximum à 457,5 M€, le conseil d’administration n’est pas exigeant avec son dirigeant. Jamais au cours de ces sept derniers exercices le Free Cash Flow n’a été en dessous de ces niveaux (1 084M€ en 2011, 597M€ en 2012, 827M€ en 2013, 1 083M€ en 2014, 1 033M€ en 2015, 1 107M€ en 2016, 945 M€ en 2017).
Comme l’année dernière, le conseil d’administration définit des objectifs pour le calcul de la rémunération variable du dirigeant à des niveaux si faibles qu’ils garantissent in fine un variable élevé quel que soit la performance.

Il est par ailleurs impossible, en l’absence davantage de transparence de la société, de vérifier l’atteinte précise des critères qualitatifs (développement d’une stratégie R&D pluriannuelle, développement des partenariats et synergies de l’Alliance, qualité des engagements RSE et environnementaux, suivi de l’accord pluriannuel en France). Au titre des ces critères qualitatifs, 33% du fixe est attribué (soit 405 900 €) sur un maximum de 35% du fixe.

Il est dommageable pour la bonne gouvernance des sociétés françaises que les grands investisseurs internationaux survolent ce type de dossier, se contentant de grands modèles génériques applicables en masse aux nombreuses entreprises investies et ne prenant pas le temps d’analyser dans le détail le caractère exigeant ou laxiste des conditions de performance des bonus annuels. La Loi Sapin 2 a confié aux actionnaires une grande responsabilité dans le contrôle de la rémunération des dirigeants en leur confiant un droit de veto sur les rémunérations variables, il est donc temps que les grands actionnaires étrangers se réveillent.

Juin 2018

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