Les limites des assemblées générales à huis clos
Dans un contexte d’assemblées générales à huis clos consécutif à la pandémie du coronavirus, Proxinvest constate, pour les assemblées générales 2020, une augmentation du taux de participation en actions à 72,62%, reflétant un vote de plus en plus fréquent chez les investisseurs professionnels. La baisse de 3,9% du nombre d’actionnaires ayant voté illustre toutefois les difficultés auxquelles ont dû faire face les actionnaires individuels. Si l’augmentation des retransmissions par vidéo-conférence et le meilleur recours au vote à distance électronique pour les actionnaires individuels via Votaccess sont appréciables, les assemblées générales tenues sans présence physique entraînent une détérioration des droits des actionnaires et du vote : interactivité réduite ou nulle, absence de débats, résultats des votes connus à l’avance, mise en sommeil des droits de nomination ou révocation en séance, problèmes de représentations des principaux actionnaires comme scrutateurs et de contrôle des votes. Il conviendra pour le futur de maintenir l’obligation d’assemblées générales avec présence physique tout en améliorant la capacité de participation et de vote en direct pour les sociétés désirant aussi tenir leur assemblée générale en virtuel.
Des politiques de dividende et de rémunération revisitées à la lumière de la crise
La crise sanitaire, le confinement et les restrictions de déplacement et fermetures administratives qu’elle a générés ont conduit les entreprises françaises à faire preuve de responsabilité en adoptant des comportements plus prudents. Ainsi Proxinvest comptabilise 97 sociétés du SBF 120 ayant proposé un changement soit dans la politique de rémunération des dirigeants soit dans la politique de dividende.
Un niveau d’approbation en hausse
Alors que le pourcentage de résolutions rejetées est plutôt stable à 0,63% (soit une résolution sur 159), le taux moyen de votes négatifs est en baisse à 4,85%. La baisse de ce taux d’opposition s’explique en partie par de meilleures pratiques de gouvernance comme en témoigne le meilleur respect de la politique de vote de Proxinvest (+11%) même si de nombreux efforts restent à accomplir : Proxinvest a encore dû alerter ses clients sur 37% des résolutions.
Les résolutions les plus contestées restent les dispositifs anti-OPA, les régimes de retraite supplémentaires des dirigeants, les modifications statutaires pouvant porter atteinte aux droits des actionnaires et les autorisations de plans de stock-options.
La modération des rémunérations accueillie positivement par les actionnaires
Alors que les efforts modérateurs sur la rémunération des dirigeants dans un contexte de crise sanitaire et économique ont été salués par les actionnaires (hausse du taux d’approbation et du taux de recommandation de vote positive de Proxinvest), certains dossiers furent largement contestés. Les sociétés de droit néerlandais Euronext et STMicroelectronics virent la politique de rémunération de leurs dirigeants rejetée par les actionnaires. De même, la rémunération d’Olivier Brandicourt, ancien directeur général de Sanofi, fut rejetée du fait d’une performance médiocre sous son mandat et de conditions de départ avantageuses dont le maintien de l’intégralité de ses actions gratuites. Alors que la société avait annoncé en 2019 qu’un rejet de l’assemblée générale 2020 entraînerait l’absence d’attribution au titre de 2020, le conseil d’administration changea finalement d’interprétation au mépris de la Loi Sapin 2 qui prévoit l’absence de rémunération variable en cas de rejet
Les actionnaires expriment leur préférence pour une décote limitée à 5% lors des émissions d’actions nouvelles sans maintien du droit préférentiel de souscription.
Une autre modification législative a bouleversé la saison 2020 des assemblées générales. En effet, depuis Novembre 2019, une nouvelle réglementation permet aux sociétés de mettre en place une décote de 10% par rapport aux prix de marché pour les augmentations de capital sans droit préférentiel de souscription. Jusqu’alors, les nouveaux actionnaires pouvaient accéder au capital lors de ces augmentations de capital avec une décote maximale de 5% sur le prix de marché.
Proxinvest a, dès cette annonce, critiqué cette décote élargie mise en œuvre au détriment des actionnaires historiques. Cette position a été suivie par les actionnaires puisque les résolutions proposant une délégation d’augmentation du capital sans droit préférentiel de souscription avec une décote de 10% sont en moyenne deux fois plus contestées que celles avec une décote de 5%.
L’activisme actionnarial poursuit son essor
Après de multiples rapports français sur le sujet de l’activisme actionnarial en 2019, celui-ci poursuit son essor. En 2020 c’est Amber Capital, actionnaire depuis plusieurs années de Lagardère, qui relance, à juste titre, le débat sur la piètre gouvernance de Lagardère induite par le statut de commandite par actions, sur la destruction de valeur et la piètre performance sous le management historique d’Arnaud Lagardère, sur la politique d’allocation du capital, la politique de dividendes, la politique de rémunérations des dirigeants et sur les conventions réglementées. Autant de raisons de proposer une recomposition du conseil de surveillance via révocations et nominations avant que le mandat d’Arnaud Lagardère ne soit renouvelé. Amber Capital échouera de peu du fait d’un renfort de poids pour Lagardère, le groupe Vivendi. Ce dernier changera de camp quelques mois plus tard. Affaire à suivre…
L'environnement refait son entrée aux assemblées générales via les résolutions externes d’actionnaires
Deux sociétés, Total et Vinci, auront vu certains de leurs actionnaires déposer des résolutions externes sur le sujet de l’environnement ou de la stratégie climat.
La résolution chez Total, déposée par un collectif de onze investisseurs, demandait à la société de modifier les statuts pour obliger la société à rédiger et publier un rapport sur la stratégie de la Société pour aligner ses activités avec les objectifs de l’Accord de Paris.
Malgré l’annonce d’une nouvelle stratégie climat plus ambitieuse par Total quelques semaines avant l’assemblée, la résolution réunit plus de 16,8% des voix lors du vote.
Le conseil d’administration de Vinci s’était auparavant montré beaucoup moins ouvert à la démocratie actionnariale en refusant arbitrairement d’inscrire à l’ordre du jour deux résolutions relatives à l’environnement.
Invités par la transposition de la Directive européenne Droits des actionnaires 2 via l’article 198 de la Loi Pacte à définir leur politique d’engagement actionnarial, nul doute que les investisseurs veilleront à exercer de plus en plus activement leurs droits, y compris le droit de dépôt de résolutions externes soumises à l’assemblées générales.