Cette résolution A proposée par la société de gestion Phitrust Active Investors a été co-déposée par dix investisseurs dont il convient de saluer l’esprit de responsabilité : le fonds de pension des salariés du rail britannique RailPen, Aviva Investors, PGGM (Pays Bas), CalPERS (USA), AMUNDI, DNCA Finance, Edmond de Rothschild AM, OFI Asset Management, OFI Gestion Privée et Phitrust Active Investors (France) qui représentent 1,96% du capital de Vivendi. La résolution demande le maintien du principe « une action – une voix » dans les statuts de la société.

La SICAV Proxy Active Investors (FR0010027094) de la société de gestion Phitrust Active Investors est une SICAV d’engagement actionnarial visant à aider les investisseurs à promouvoir de façon collaborative les meilleurs pratiques de gouvernance au sein du CAC 40 via une politique de dialogue active avec les dirigeants et conseils d’administration et l’utilisation de tous les droits d’actionnaires (exercice du droit de vote, questions orales ou écrites à l’AG, inscription de résolutions à l’ordre du jour). Proxinvest et Phitrust sont membres du comité technique chargé de proposer les points d’amélioration de la gouvernance des sociétés françaises cotées au conseil d’administration de la SICAV.

Pour la saison des assemblées générales 2015, suite à la généralisation légale du droit de vote double par la loi Florange, Phitrust Active Investors et Proxinvest avaient demandé aux sociétés françaises de bien vouloir revenir au principe « une action – une voix » afin de restaurer l’égalité de traitement entre actionnaires. Cette campagne s’avère être un succès puisqu’une très grande majorité des sociétés du CAC 40 ciblées ont décidé de proposer une résolution en ce sens afin de permettre a minima un débat sur ce sujet en assemblée générale (ex: Air Liquide, L’Oréal, Unibail-Rodamco, Veolia, Renault, GDF Suez, Vinci). L’absence de résolution permettant de revenir au principe « une action – une voix » est donc très décevante de la part de Vivendi qui a essayé d’échapper à l’expression de la démocratie actionnariale et un débat en AG, d’autant que les attentes de Proxinvest, des associations d’investisseurs (AFG, ICGN) et des sociétés de gestion avaient été claires. Le manque d’écoute de ses actionnaires de long terme sur ce sujet ne peut qu’être néfaste pour l’image du groupe VIVENDI auprès de la communauté des investisseurs.

Vivendi prevoyait ce droit de vote simple dans ses statuts mais la « loi Florange » du 29 mars 2014 fait du droit de vote double des actions nominatives le régime par défaut des sociétés cotées. Seul le vote d’une résolution spécifique en assemblée générale en 2015 permet de maintenir les dispositions de droit de vote simple en restaurant le principe « une action – une voix ».
Le droit de vote double ne respecte pas la proportionnalité exacte entre le capital investi par un actionnaire et les droits de vote dont il dispose; de plus, il crée une distorsion entre les actionnaires puisque son obtention nécessite l’inscription des titres au nominatif ce qui pour un investisseur étranger ou pour un Opcvm, implique une charge administrative ou financière trop lourde voire impossible à gérer.

Le Directoire de Vivendi, dans son communiqué rejetant les trois résolutions proposées à l’AG, oppose mollement que la proposition des investisseurs « va à l’encontre d’une loi conçue par les pouvoirs publics pour des groupes comme Vivendi, dont l’activité est réglementée, afin de stabiliser leur capital et encourager l’actionnariat de long terme. » Considérer que Vivendi, groupe privé, est obligé de ne pas froisser les pouvoirs publics en appliquant bêtement une Loi qui laisse l’alternative entre deux options tend au ridicule. Le directoire de Vivendi agit probablement dans l’intérêt du premier bénéficiaire de l’instauration du droit de vote double, à savoir Vincent Bolloré qui détient 12% du capital et à qui les membres du Directoire doivent leur fonction. Selon nos estimations, Vincent Bolloré devrait contrôler plus de 20% des droits de vote totaux une fois ses droits de vote double obtenus, ce qui sur la base du taux de participation de l’AG 2014 (57%), lui permettrait de contrôler plus que la minorité de blocage de 33% des voix de l’assemblée générale, voire plus si sa montée au capital perdure, ce que certains appellent « une prise de contrôle rampante ».
L’argumentaire du Directoire témoigne aussi d’un certain amateurisme : le droit de vote double ne permettra pas de stabiliser le capital car il n’empêche en rien arbitragistes, traders ou trading de haute fréquence d’acheter ou vendre comme bon leur semble (jusqu’à preuve du contraire, le trader haute fréquence ne se soucie pas de l’exercice responsable des droits de vote et ne vote pas). Le Directoire semble par ailleurs oublier qu’une majorité de son capital est détenue par des actionnaires au porteur, la plupart actionnaire de long terme. Il en est ainsi par exemple des sociétés de gestion qui gèrent l’épargne en OPCVM ou via des mandats d’épargnants ou futurs retraités. Proxinvest a largement démontré que le droit de vote double ne favorise pas sainement l’investissement à long terme et fausse gravement le résultat des assemblées générales, ce mécanisme permettant à des actionnaires de référence de faire passer en AG des résolutions pourtant rejetées par une majorité des actions, principalement sur des sujets liés à la dilution ou à la rémunération des dirigeants.
Enfin le Directoire semble oublier que des outils existent pour fidéliser un actionnariat sur le long terme sans impacter négativement le droit de vote des actionnaires, dividende majoré et bons de fidélité par exemple.

Il n’est bien sûr pas dans l’intérêt de tout investisseur, et d’autant plus s’il gère pour le compte de tiers, d’accepter de se faire diluer en droits de vote.

Le principe « une action – une voix » est soutenu depuis longtemps par toutes les associations d’investisseurs, comme le rappelle la lettre récente de l’ICGN (International Corporate Governance Network) sur ce sujet  qui précise par ailleurs que « l’enregistrement des titres au nominatif est incompatible avec la gestion d’actifs financiers pour des investisseurs, a fortiori lorsque ceux-ci sont étrangers. » Ce principe « une action – une voix » est aussi défendu depuis longtemps par Proxinvest. L’égalité de traitement entre actionnaires ne peut que permettre aux actionnaires minoritaires de préserver leur intérêt et leur droit de contrôle, préambule indispensable à la confiance et à la bonne valorisation du groupe.

Proxinvest recommande donc de soutenir cette résolution exceptionnelle, initiée par la SICAV Phitrust Active Investors, qui témoigne du réel engagement des investisseurs institutionnels pour les bonnes pratiques de gouvernance et de démocratie actionnariale.

L’étude complète de Proxinvest sur l’AG de Vivendi du 17 avril est disponible sur sa boutique en ligne.

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