A l’annonce des résultats d’EDF, le nouveau PDG, Jean-Bernard Lévy, semble découvrir ou tout du moins s’inquiéter d’un financement du dividende par la dette (cf. Les Echos et l’Agefi). Le même jour, l’ERAFP, le fonds de pension des fonctionnaires, annonce sa politique de vote et d’engagement pour 2015 en insistant sur « la mise en oeuvre de politiques responsables en matière de distribution des dividendes« .

Chez EDF, la question du niveau raisonnable de dividende avait pourtant déjà été posée à l’assemblée générale 2014 : face à la proposition du conseil d’administration d’un dividende de 1,25€ par action, le FCPE Actions EDF (actionnaires salariés d’EDF) proposait pour sa part 0,80€ par action. La résolution du conseil proposant 1,25€ par action fut finalement adoptée à 98,4% des voix de l’AG contre 2,1% seulement pour la contre-proposition à 0,80€. L’Etat,  ayant grand besoin de ce dividende pour ses contraintes budgétaires de court-terme, pesait 93% des voix de l’AG,  mais on se demande pourquoi si peu d’actionnaires minoritaires d’EDF n’aient pas remis en cause cette politique de financement du dividende par la dette.

Proxinvest, dans son étude, notait pour sa part : « Il est assez troublant de constater que le cash flow après investissements nets hors opérations stratégiques et variation de BFR net est négatif en 2012 (-1,9 milliard d’euros) et 2013 (-1,1 milliard d’euros). Malgré un Cash Flow opérationnel qui s’améliore de 12,3 milliards d’euros à 13 milliards d’euros en 2013, le Cash Flow après dividendes reste négatif. Au regard de la politique d’investissement importante envisagée pour les prochains exercices et du niveau d’endettement actuel (dette financière nette, y compris titres subordonnés, supérieure aux capitaux propres), il nous semble préférable de ne pas financer tout ou partie du dividende par de la dette nouvelle ou une nouvelle émission de titres subordonnées (rémunération entre 4,25% et 6% par an pour les émissions 2013). 

Il semble moins risqué pour l’avenir du groupe et de ses actionnaires de soutenir le dividende proposé par le FCPE d’actionnariat salarié qui, loin d’être négligeable, semble mieux financé et plus responsable sur le long terme.Par conséquent la proposition de distribution du conseil d’administration n’est pas soutenue. »

L’investissement en actions permet de financer l’économie mais demeure risqué. Il est donc légitime de le rémunérer à travers le dividende. Toutefois, être un actionnaire responsable, c’est aussi se souvenir que l’actionnaire est rémunéré en dernier ressort, une fois les autres parties prenantes rémunérées et les investissements financés. L’endettement n’a pas vocation à financer le dividende, sauf à créer des risques – non nécessaires – pour la pérennité des entreprises.

L’exemple d’EDF nous montre aussi que le vote aux assemblées générales fait partie intégrante du processus de gestion. Les décisions financières des investisseurs ne se réduisent pas aux seules décisions d’achats ou ventes et d’importantes décisions financières sont prises en assemblée générale et il convient donc que les moyens alloués aux analyses des assemblées générales soient suffisants au sein des sociétés de gestion comme chez les investisseurs institutionnels.

La Loi Florange de 2014 entend réduire les pouvoirs de ces actionnaires minoritaires, particuliers,  institutionnels et sociétés de gestion, en offrant aux seuls détenteurs enregistrés au nominatif depuis au moins deux ans un droit de vote double et en protégeant les dirigeants contre les offres publiques. Chez EDF, c’est donc le principal futur bénéficiaire de ce droit de vote double, l’Etat, qui demande et soutient  ce dividende financé par la dette. Pas très responsable et plutôt court-termiste… Ce droit de vote double,  mal vécu par les investisseurs étrangers qui ont l’impression de se faire partiellement exproprier, doit justement permettra à l’Etat à vendre une partie de sa participation au capital en gardant le même niveau de contrôle.

Un mécanisme d’encouragement au court terme d’un actionnaire endetté, qui offre même un avantage à l’actionnaire qui s’en va  :  rien à voir avec l’investissement à long terme…

 

 

 

 

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