Le dix-septième rapport de Proxinvest sur les assemblées générales est le fruit de l’analyse de 370 assemblées générales tenues par 336 sociétés cotées françaises et de la collecte de leurs résultats de vote. Si les actionnaires se sont montrés moins critiques avec un taux de contestation moyen d’une résolution au sein du CAC 40 qui passe de 5,88% à 4,87% en 2013 et un nombre de résolutions rejetées qui passe de 50 en 2012 à 35 en 2013, les sociétés cotées françaises disposent encore d’une marge de progression dans la préparation de leurs assemblées générales puisque 43% de résolutions font encore l’objet d’une recommandation négative de Proxinvest.

Le principal sujet de contestation par les actionnaires reste le risque de dilution, notamment les augmentations de capital sans participation possible des actionnaires, avec quatre rejets pour la seule société Alten. En ce qui concerne les dispositifs anti-OPA, fortement contestés par les actionnaires ces dernières années, on note une amélioration puisqu’une seule résolution de ce type aura été rejetée en 2013 (Ingenico). Ceci s’explique notamment par le recul du nombre de dispositifs anti-OPA proposés (bons Breton et maintien d’autorisation en période d’offre publique), conséquence directe d’un engagement constant de Proxinvest et de ses clients investisseurs.

La saison 2013 des assemblées générales se sera révélée décevante en matière de participation et d’engagement actionnarial. En effet, des obstacles à l’exercice du droit de vote demeurent et, pour la première fois depuis 2005, le taux de participation en droits de vote aux assemblées générales recule à 67,33% pour le CAC 40. Le droit d’initiative prévu pour les actionnaires ou le comité d’entreprise est peu ou pas utilisé et le nombre de résolutions externes observées sur l’ensemble de l’échantillon passe de 50 propositions en 2012 à 35 en 2013. Ces résolutions externes proviennent pour les trois-quarts des salariés ou salariés actionnaires.

2013 est une année euphorique pour la bourse, mais les perspectives pour l’activité économique en France sont assombries par une gestion exclusivement fiscale des déficits publics et une absence inquiétante de réformes structurelles attendues. Le législateur poursuit son œuvre de déresponsabilisation en proposant de généraliser le droit de vote double et en concédant aux dirigeants un contrôle purement consultatif des rémunérations par l’assemblée générale, le « nouveau » vote « Say on Pay ».

Or, le droit de vote double permet aux sociétés de faire passer de nombreuses résolutions que les actionnaires ont pourtant démocratiquement rejetées par leur vote. Ainsi Proxinvest a identifié dix-neuf résolutions portant notamment sur l’élection d’administrateurs, l’approbation de plans d’options et d’actions gratuites trop généreux ou mal justifiés et quelques mesures sur le capital trop dilutives ou anti-OPA qui ne sont passées que grâce au droit de vote double de l’actionnaire de référence. Ce dévoiement de la démocratie actionnariale s’est ainsi retrouvé en 2013 chez Accor, Akka Technologies, Arkema, Kering, Gameloft, Ingenico, Ipsos, Sodexo, et Ubisoft.

La controverse sur la retraite du Président du Directoire de Peugeot illustre l’état de confusion et déresponsabilisation auquel nous mènent les pratiques actuelles. Au contraire de ce qu’affirme le communiqué commun de l’AFEP-MEDEF, la décision courageuse de Philippe Varin de renoncer à cette retraite ne saurait être « la démonstration de l’efficacité de l’autorégulation instaurée par le code AFEP MEDEF ».

L’examen du dossier nous enseigne que le Code de Commerce n’avait pas été scrupuleusement respecté par la société, son conseil de surveillance et ses commissaires aux comptes puisque ce généreux régime de retraite avait été dissimulé aux actionnaires et non soumis à la procédure des conventions réglementées de 2002 à 2005. Malgré Proxinvest, certains investisseurs, s’étaient montrés complaisants en 2006 (approbation à 98% du régime) mais avaient finalement exprimé en 2010 l’opposition de près de la moitié des actions des actionnaires minoritaires: l’affiliation du M. Varin au régime de retraite était confirmé à 79,9% des voix, un score obtenu grâce au droit de vote double. Le conseil de surveillance de Peugeot n’aura malheureusement pas su réagir. Quant au Comité d’Entreprise de Peugeot, il eût pu aisément, depuis 2006, saisir l’assemblée générale d’une demande de réduction de cette rente contestable.

Cette controverse illustre le besoin d’une meilleure régulation des politiques de rémunération des dirigeants par leurs actionnaires à travers un vote de l’assemblée générale. Les émetteurs, suite à la modification du code AFEP-MEDEF, vont dorénavant soumettre à un vote consultatif de l’ensemble de leurs actionnaires la rémunération individuelle de leurs mandataires sociaux dirigeants. La nouvelle responsabilité des actionnaires est donc grande sur ces pratiques de rémunération et Proxinvest détaille précisément dans sa politique de vote 2014 ses attentes en la matière : de meilleures justifications de chaque composante de la rémunération, des pratiques modérées et une structure de rémunération mieux alignée avec la performance à long terme.

A la veille du vote du Parlement sur un faux resserrement du contrôle des conventions réglementées et de l’instauration du droit de vote double obligatoire pour les sociétés cotées, Proxinvest rejoint les propos du Président de l’AMF qui soutient que « si le capital des sociétés est totalement figé, leurs actions vaudront moins cher et elles auront du mal à se financer. Pour protéger nos entreprises, il est préférable d’inciter les investisseurs à être des actionnaires durables, par exemple avec le PEA dont le renforcement a été annoncé. » Un marché financier intègre et équitable sera seul en mesure d’appeler les Français à refinancer la croissance.

Paris, le 5 décembre 2013

Le rapport de PROXINVEST (315 pages) peut être commandé en utilisant le bon de commande auprès de la Librairie LDEL/JUSTICIA.

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